Les catholiques doivent aussi assumer l'antisémitisme

Les catholiques doivent aussi assumer l'antisémitisme

La théologienne catholique, Dorothea Sattler, souligne la responsabilité commune entre protestants et catholiques face à l’antisémitisme
Selon elle, Martin Luther n’est pas le seul responsable.

Photo: Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe, à Berlin. CC (by) Jean-Pierre Dalbéra

(EPD/Protestinter)

Loccum/Münster – Pour la théologienne catholique Dorothea Sattler, les catholiques et les protestants ont une «responsabilité commune» envers les Juifs. «L'Eglise catholique ne peut pas renvoyer de manière unilatérale aux textes antisémites écrits par le réformateur protestant, Martin Luther (1483-1546), à la fin de sa vie», a-t-elle souligné, lors d'une conférence de l'Académie protestante de Loccum, dans la région de Nienburg. «Il n'y a aucune raison d'insister sur Luther car nous aussi sommes concernés à notre manière.» A Loccum, des théologiens et des historiens ont débattu sur le thème «Martin Luther et les Juifs».

D'après Dorothea Sattler, les recherches ont montré que les théologiens catholiques de l'époque de la Réforme, comme Johannes Eck, le rival de Luther, avaient des vues similaires à celles du réformateur concernant les Juifs. Ils auraient soutenu que les Juifs avaient tué Jésus, et qu'ils étaient par conséquent coupables de la mort du fils de Dieu. Cette version antisémite de l'Histoire doit être dépassée. Toutefois, pour Dorothea Sattler, les théologiens comme Eck s'en sont tenus à une position théologique, alors que Luther en a également tiré des conséquences politiques.

Par exemple, dans ses derniers écrits, Luther a notamment appelé à expulser les Juifs. «Son discours était impulsif et virulent», explique-t-elle. «Il a souvent été excessif dans ses propos, avec toutes les terribles conséquences historiques que cela a eues.»

Un patrimoine juif

Comme le souligne la professeure, dans son ensemble, la théologie n'a pas assez tenu compte du fait que la chrétienté devait ses croyances au peuple d'Israël. «Le judaïsme est bien trop rarement reconnu dans sa spécificité.» Du point de vue catholique, les Juifs seraient entre autres accusés d'avoir profané les hosties. C'est pourquoi les Juifs, y compris au cours des derniers siècles et jusqu'à l'époque du national-socialisme, ont été si peu protégés par les chrétiens. L'hostilité de l'Eglise à l'encontre des Juifs a créé un climat de «léthargie».

La théologienne s’est réjouie que l'Eglise protestante d'Allemagne (EKD) aborde aujourd'hui «de façon constructive et avec beaucoup d'autocritique» l'antisémitisme hérité des temps de la Réforme. La communauté juive attend, avec raison, une explication de l'EKD à ce sujet. «Nous pouvons soutenir ce mouvement collectivement, de manière œcuménique, en reconnaissant que nous sommes tous concernés», a déclaré la spécialiste de l'œcuménisme.

Dorothea Sattler a également salué le fait qu'à l'occasion du 500e anniversaire de la Réforme, qui aura lieu en 2017, les évêques protestants et catholiques souhaitaient voyager en Israël dès l'automne 2016. «Là-bas, les occasions ne manqueront pas de reconnaître ouvertement cette responsabilité historique partagée. Il s'agit d'un signe d'espoir œcuménique.»