Oser parler de la mort aux enfants

Oser parler de la mort aux enfants

Rosette Poletti, infirmière spécialisée dans l’accompagnement en fin de vie, théologienne et psychothérapeute, livre ses conseils pour aborder la mort avec les enfants

Photo: CC (by-nc) Martine

, Bonne Nouvelle

«Attendez que l’enfant vous interroge pour lui parler de la mort. Donnez-lui des réponses claires et simples, conseille Rosette Poletti, infirmière, théologienne et psychothérapeute. Nous projetons nos peurs sur l’enfant. Mais il est bien moins angoissé que nous. Il est surtout curieux.» «Prenez soin de vous. Ne lui cachez pas votre douleur, mais trouvez un lieu extérieur pour l’exprimer. Mieux vous irez, mieux ira votre enfant.»

L’enfant accepte plus facilement la mort que les adultes. «Il a l’humilité d’accepter qu’il y a des choses qu’on ignore, comme le mystère de la mort. Sa capacité à l’ici et maintenant lui permet de sortir de sa tristesse par une sollicitation extérieure aussi simple qu’une sortie à la patinoire.» On oublie aussi souvent que l’enfant est quotidiennement confronté à la mort. Que dire devant le cliché du petit Aylan Kurdi, réfugié syrien retrouvé noyé sur une plage de Turquie ? «Dites à votre enfant qu’il est tombé du bateau et qu’il s’est noyé. Dites-lui aussi que vous prenez des bateaux plus solides et que vous mettez des gilets de sauvetage. Minimisez sans éviter la réalité.»

Une question d’âge

Avant 2 ans, l’enfant sait que la personne est partie. Il a besoin de sécurité et d’un cadre stable. De 3 à 5 ans, il prend conscience que le défunt ne reviendra pas, mais ne comprend pas le « pour toujours ». Il faut donc être attentif à ce qu’on dit. Evitez les phrases: «Il nous a quittés. Il s’est endormi.» «Dites-lui que la personne est morte. Il peut l’intégrer», explique Rosette Poletti. Entre 8 ans et 9 ans, l’enfant pose des questions concrètes: «Comment respire-t-il sous terre? Que va-t-il lui arriver?» Pourquoi ne pas lui expliquer que son corps est là sous terre, mais que son âme est ailleurs, dans le ciel par exemple auprès de Dieu, esquisse l’infirmière. L’enfant peut demander à voir et même toucher le corps. Préparez-le: «Tu sais, il sera tout froid, parce que le sang ne circule plus.» A ce stade, sa pensée est encore abstraite.

A partir de 11 ans, l’enfant comprend la mort et son irréversibilité. Il comprend aussi qu’il va mourir. Vient alors la question: «Toi aussi tu vas mourir ?» «Oui. Tout le monde meurt, mais pas tout de suite.» Et d’ajouter que vous ignorez l’après ou qu’on rejoint Dieu et Jésus dans le ciel et qu’il y a là tout ce qu’il faut pour être heureux. «Tout dépend des croyances. Mais il est important de se mettre d’accord sur ce qui sera dit.» L’importance des rites. «Les rites funéraires sont essentiels», insiste Rosette Poletti. L’enfant peut participer au service funèbre, même quelques minutes. L’emmener au cimetière pour y déposer des fleurs ou un dessin peut susciter des questions. «Ce sont autant d’occasions à saisir comme la mort d’un animal de compagnie pour aborder le sujet et accompagner l’enfant.»

Pour Rosette Poletti, la peur de l’enfant est l’oubli du défunt. Elle encourage les cérémonies du souvenir. «Se réunir fait du bien. C’est l’occasion de voir que la vie continue et qu’on se souvient de la personne. La relation se transforme, mais ne s’arrête pas, c’est là le but du deuil», conclut-elle.

Un spectacle

«Oscar et la dame rose», par la Compagnie de la Marelle. Comment expliquer à un enfant de 10 ans qu’il va mourir? Oscar est à l’hôpital et personne ne lui dit la vérité sur sa maladie. Seule Mamie Rose lui parle sans détour. Elle lui propose d’écrire à Dieu. Ces lettres décrivent dix jours de la vie d’Oscar qui seront peut-être les derniers. En tournée dans le canton jusqu’en décembre. Toutes les dates sur le site de la Compagnie de la Marelle.