Les bénévoles sont la richesse des Eglises

Les bénévoles sont la richesse des Eglises

Par ses valeurs, l’Eglise a toujours pu compter sur l’aide de ses fidèles. Elle doit s’adapter à des bénévoles qui recherchent davantage de plaisir et de formation et qui s’engagent moins dans la durée.

Photo: Des bénévoles bâillonnés écoutant la prédication des pasteurs. Le sketch déjanté de la paroisse du Joran pour célébrer ses bénévoles ©Paroisse du Joran

Par Joël Burri

«La collecte est un effort collectif pour répondre aux besoins de l’Eglise. Aujourd’hui, nous n’en ferons pas, car aujourd’hui, c’est vous la richesse de l’Eglise!» Un culte sans collecte, c’est ce qu’ont proposé les pasteurs Catherine Borel et Yves Bourquin, il y a une dizaine de jours à Saint-Aubin (NE). Les fidèles de la paroisse du Joran étaient tous invités à un culte de reconnaissance pour les bénévoles, suivi d’un repas et d’un après-midi festifs.

Mais sur les 6600 protestants de Boudry, Bevaix, Cortaillod et la Béroche, 450 avaient reçu une invitation particulière à cette journée: tous ceux qui avaient donné de leur temps, lors de cultes, de camps, ou de toute autre activité paroissiale durant les 4 ans passés. «C’est une volonté du Conseil de paroisse et du collège des ministres de valoriser ce travail bénévole, explique Jacques Péter, président du conseil de paroisse. Nous l’avons fait pour la première fois il y a 4 ans, un samedi après-midi. Pour cette deuxième édition, nous avons choisi de le faire autour d’un culte, qui est le moment central de la vie d’une paroisse.»

Engagement moins fidèle

Finalement plus 100 personnes ont assisté à ce culte où, dans une saynète durant laquelle des bénévoles tentant de fuir l’Eglise ont été ligotés, les prédicateurs ont rappelé le besoin de trouver du plaisir dans le temps que l’on offre. «Avant les bénévoles donnaient de leur temps, un peu par sens du devoir, explique plus tard Yves Bourquin à Protestinfo. Mais désormais, ils doivent y trouver quelque chose: du plaisir ou quelque chose qui leur permet d’évoluer. Nous n’avons donc plus de bénévoles qui donnent des dizaines d’heures chaque semaine, mais davantage qui s’engagent pour une tâche précise. Et pour certaines fonctions, nous manquons clairement de volontaires. Je pense en particulier au représentant du Synode. Avant c’était un honneur que de faire partie des “dirigeants” de l’Eglise, maintenant ces séances n’attirent plus.»

Le ressenti des pasteurs neuchâtelois est confirmé par Latha Heiniger, secrétaire générale, de Bénévolat-Vaud, centre de compétence pour la vie associative. «On se rend compte que, désormais les bénévoles se motivent de manière ponctuelle sur un objet précis. Par exemple, un collectif va se former pour contester un projet urbanistique dans une ville. Une fois le combat mené, le collectif se dissout. Dans notre société où tout doit être immédiat, il n’y a plus d’attache institutionnelle comme cela pouvait se faire par le passé.» Et les engagements auprès des institutions suivent la même logique: «Par exemple, les jeunes en fin de formation peuvent s’engager bénévolement dans le cadre d’une démarche d’acquisition de compétences et d’insertion dans la vie active. Ou alors des personnes recherchent un engagement de courte durée durant une période de vacances», explique Latha Heiniger.

Bénévoles attirés par des projets ponctuels

«Dans notre société, on préfère apporter une aide ponctuelle ou faire des dons, plutôt que de s’engager dans une institution», constate également Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l’Université de Genève. Il travaille depuis plusieurs années sur le bénévolat et collabore à l’observatoire du bénévolat mis en place par la Société suisse d’utilité publique. «Une autre grande tendance que nous avons pu mettre en évidence est que les bénévoles s’engagent sur des projets et moins sur des valeurs. Par exemple quand j’étais actif au Groupe Sida Genève, nous avions toujours plus de bénévoles que nécessaire pour la journée du 1er décembre, mais ces gens ne s’engageaient pas pour le groupe le reste de l’année.» Un défi pour les syndicats et les Eglises qui historiquement parvenaient à engager des bénévoles autour de valeurs ou de combats de longue haleine. «Enfin, la 3e tendance est que les bénévoles recherchent l’autoréalisation. Les bénévoles deviennent des bénévoles de qualité qui recherchent de la satisfaction dans leur activité.»

Le travail bénévole dans les Eglises: une économie pour les cantons

Même si les Eglises doivent revoir leur mode de fonctionnement quant aux bénévoles, elles parviennent toujours à motiver un nombre important de personnes. Ancien juge et chargé de cours en droit des religions à l’Université de Fribourg, Philippe Gardaz en est convaincu: «Dans le canton de Vaud par exemple, la justification des moyens accordés aux Eglises, c’est le souci de soutenir des activités éducatives, culturelles, sociales à connotation religieuse. Le budget des Eglises se glisse entre les transports publics et les hôpitaux. Il fait partie de la caisse à outils du bien-être social. Les Eglises reconnues coûtent, dans le canton de Vaud, environ 65 millions de francs par année à l’Etat. Sur un budget de 8 milliards environ. Même si cela énerve certains que ces Eglises soient subventionnées, le service social au sens large assuré par les Eglises n’est pas coûteux. Notamment parce que vous avez un énorme engagement de bénévoles. Dans toute l’action des Eglises, il y a des prêtres, des pasteurs, des diacres, des agents pastoraux qui sont des professionnels salariés, mais il y a une armée, des milliers et des milliers de bénévoles. Et cela, c’est lié à la démarche ecclésiale, à la solidarité qui est au centre du message chrétien. De cela, l’Etat est conscient.»

Sur Berne, où les autorités repensent actuellement les relation entre Eglise et Etat, un rapport d’experts conclut également que «du point de vue de leur impact sur la société, la valeur des prestations des Eglises reconnues est plus importante que celle du financement.» Par exemple, selon les chiffres de cette étude conduite par le bureau d’avocats Ad!vocate et la société Ecoplan, l’Église réformée bernoise coûte environ 89 millions de francs annuels à l’Etat, alors que les prestations sociales de celle-ci sont évaluées à 103 millions de francs.