Le combat pour la neutralité d’internet unit les responsables des différentes religions

Le combat pour la neutralité d’internet unit les responsables des différentes religions

La vidéo du culte dominical mettra-t-elle bientôt plus de temps qu’aujourd’hui pour se charger alors que le dernier épisode d’une série à la mode pourra être vu encore plus vite? Le débat fait rage autour de la création de «voies rapides» de l’internet réservées aux contenus fournis par des entreprises qui pourraient s’offrir ce service. Chrétiens, sikhs, musulmans ou humaniste s’associent pour défendre un trafic des données sur le réseau équivalent pour tous.

Photo: CC(by) photosteve101

Par Brian Pellot, RNS/Protestinter

«Si vous voulez un monde où #BlackLivesMatter (la vie des noirs compte)… Si vous voulez la dignité pour les #Sikhs, les #Musulmans et les #99Percent, alors la #NetNeutrality (neutralité du net) est aussi votre cause», déclare Valarie Kaur avocate et réalisatrice sikhe américaine. Elle pense que ces hashtags populaires sont davantage que des pièges à clics: ils représentent les questions de justice sociale les plus urgentes de notre époque.

Depuis longtemps, les leaders religieux se sont retrouvés autour des combats pour l’égalité raciale, la justice économique ou contre la brutalité policière. Désormais avec sa campagne «Faithfull internet» (foi en internet) Valarie Kaur appelle les communautés religieuses d’Amérique à se battre avec autant de détermination pour la neutralité d’internet.

«Le travail que nous faisons pour la justice sociale ne serait pas possible sans la neutralité du net –le principe qui fait du réseau des réseaux un espace ouvert et libre pour chacun de nous», défend Valarie Kaur, associée au Centre Stanford pour internet et la société.

Valarie Kaur a vu que ces principes étaient menacés, l’année passée quand la commission fédérale pour la communication (FCC) a examiné une proposition qui aurait permis aux fournisseurs d’accès internet d’accélérer la connexion de leurs clients vers les sites web désireux et capables de payer pour cela tout en ralentissant la connexion vers les fournisseurs de contenu refusant de passer à la caisse. Des millions d’Américains ont pris position publiquement contre cette proposition, et en février 2015, la FCC a adopté des règles sur «l’internet ouvert» pour protéger la neutralité du net. Ce règlement est entré en vigueur le 12 juin.

Mais quelques entreprises font pression devant le Congrès et recourent aux tribunaux pour invalider ce règlement. Alors, Valarie Kaur poursuit sa campagne pour convaincre des croyants de toutes religion et confession de la suivre dans ce combat.

La coalition qu’elle a pu former compte l’activiste musulmane Linsa Sarsour, le révérend Otis Moss III, pasteur principal à l’Eglise unie du Christ Trinity de Chicago, l’organisatrice des nonnes dans un bus (pour défendre diverses causes humanitaires) sœur Simone Campbell et l’aumônier humaniste d’Harvard Greg Epstein.

Ce dernier a déclaré que la campagne Faithfull internet trouve un écho particulier parmi la génération des digital natives (ces jeunes qui ont grandi avec les nouveaux outils technologiques) dont une part grandissante s’identifie comme non affiliée à une religion. «Avec la propagation de l’internet ouvert, les jeunes grandissent virtuellement dans un espace de diversité extraordinaire. Cela fait d’eux des citoyens du monde mieux informés, bienveillants et pleins de compassion», estime-t-il. «cela serait une grande tragédie si on laissait le plus grand outil de l’histoire de la connaissance humaine être pris en main par une sorte d’élite.»

Le réseau: essentielle pour la vie cultuelle d’aujourd’hui

La cofondatrice de Faithfull Internet Cheryl Leanza, qui exerce un ministère de consultante politique au ministère de justice médiatique de l’Eglise unie du Christ, a déclaré que la neutralité du net est tout aussi importante pour la célébration quotidienne qu’elle est pour activisme interreligieux. L’an passé cette Eglise a lancé Extravagance, une communauté en ligne pensée pour intégrer les fidèles qui vivent loin des églises de brique et de mortier. «Pour une communauté qui voudrait vivre une célébration ensemble en ligne, en temps réel, un accès à haute vitesse, égal et équitable est essentiel. La dernière chose que l’on veut voir, c’est la “roue colorée de la mort”», déclare-t-elle en faisant référence à l’icône qui apparaît sur les ordinateurs Apple quand un programme ne répond pas.

Sans neutralité du net Cheryl Leanza et ceux qui soutiennent son combat, craignent que les sermons en ligne, les appels à la prière et les protestations prendront plus longtemps qu’aujourd’hui pour se charger, alors que la dernière saison d’«Orange Is The New Black» ou d’«House of Cards» sur l’onglet adjacent du navigateur internet apparaîtront à une vitesse record.

Ils craignent également que les rencontres porteuses de sens entre personnes de différentes fois diminuent. «Nous avons besoin de conversations dans le cyberespace pour démanteler nos barricades», déclare la révérende Jacqueline Lewis, pasteure principale de l’Eglise moyenne collégiale de New York City. «Je dialogue avec un jeune avocat musulman qui vit au Pakistan. Voir le monde au travers de son regard peut changer mes points de vue.»

Internet permet aux minorités de se faire entendre

S’exprimant lors de l’ouverture du séminaire en ligne de Faithfull Internet, en novembre dernier, Valarie Kaur a rappelé à quel point un internet libre et ouvert a été important pour sa communauté de foi et leurs partenaires interreligieux en 2012, quand un homme armé a tué six personnes et en a blessé quatre de plus dans un temple sikh à Oak Creek dans le Wisconsin. «La seule façon de faire que cette histoire ne tombe pas dans l’oubli passait par internet», dit Valarie Kaur. «Les défenseurs des sikhs et leurs alliés ont posté des éditos, investi les médias sociaux, lancé des pétitions en ligne qui ont finalement persuadé le président Obama, une année plus tard de faire un changement politique historique mettant en place un suivi systématique des crimes de haine contre les sikhs, hindous et autres minorités religieuses. Pour une petite communauté marginale comme la mienne, rien de tout cela n’aurait été possible sans la solidarité que nous avons construit ensemble en ligne.»

Un clip appelant à la mobilisation des croyants

Le mois passé, Faithful Internet a listé plus de 300 leaders et organisation religieux pour distribuer une nouvelle vidéo de promotion mettant l’accent sur la nécessité actuelle de trouver des défenseurs de règles de l’internet ouvert de la FCC; des opposants aux demandes d’abolition répétées par les grandes entreprises. La vidéo met en évidence comment les activistes ont utilisé internet pour construire des mouvements sociaux, promouvoir l’égalité et la justice raciales après les tirs mortels à Ferguson (Missouri), et Charleston (Caroline du Sud).

«L’internet devient de plus en plus critique dans notre travail de diffusion du message du Christ, et dans l’encouragement des fidèles à créer une société juste et aimante», déclare Otis Moss, pasteur de l’Eglise unie du Christ Trinity de Chicago dans l’une des séquences du film.

Comme partenaire de la coalition humaniste, Greg Epstein est en désaccords avec le slogan de la vidéo: «D’abord nous prions, puis nous nous organisons», mais il continue à soutenir la campagne. «Quand un groupe de personnes réunit des non-croyants et des croyants de différentes religions, pour défendre une telle cause, cela met en lumière l’importance cruciale de prendre des mesures», dit-il. «Nos partenaires interreligieux veulent et travaillent aussi dur que nous pour un monde meilleur. La nature interreligieuse de ce projet est une grande leçon morale pour nous tous»

La vidéo de Faithfull internet

La publicité interreligieuse de défense de la neutralité du net (en anglais)