Les mormons répertorient des données concernant quatre millions d’esclaves affranchis

Les mormons répertorient des données concernant quatre millions d’esclaves affranchis

L’Eglise mormone américaine a scanné et numérisé des données concernant plus de quatre millions d’esclaves affranchis à la fin de la guerre de Sécession. Actuellement, elle les répertorie pour permettre une recherche nominale en ligne.

Photo: Le temple mormon à Salt Lake City CC (by) Michael Whiffen

(RNS-Salt Lake Tribune-Protestinter)

Pour le 150e anniversaire du Jour de la Liberté (Juneteenth), une fête qui rappelle la libération définitive des esclaves après la Guerre de Sécession et qui est célébrée le 19 juin aux Etats-Unis, l’Eglise de Jésus-Christ des saints des Derniers Jours (LDS) a annoncé son projet de classer des données concernant quatre millions d’anciens esclaves.

La communauté mormone basée en Utah a scanné et va maintenant répertorier les données du Bureau des affranchis (Freedmen’s Bureau) – une agence du Congrès créée à la fin de la guerre pour aider la première génération d’Afro-américains libérés – pour permettre une recherche nominale en ligne.

L’apôtre mormon, D. Todd Christofferson, a demandé aux Afro-américains de tout le pays de participer à ce projet – beaucoup d’entre eux ont déjà accepté. Selon D. Todd Christofferson, ce processus permettrait de potentiellement réunir des familles qui ont était autrefois séparée à cause de l’esclavage. Lors d’une conférence au Musée afro-Américain de Californie, à Los Angeles, il a mentionné l’urgence de finir le répertoriage de 1,4 million de données numérisées avant l’achèvement du nouveau Musée national Smithsonian de l’histoire et de la culture Afro-américaine, qui s’ouvrira l’année prochaine à Washington D.C.

Une recherche facile par nom, date ou lieu

Ce classement permet une recherche facile par nom, date ou lieu permettant aux descendants d’accéder directement aux documents qui mentionnent leurs ancêtres. Actuellement, les intéressés doivent lire toutes les données pour retrouver des membres de leur famille.

«La communauté noire s’unit pour créer un exceptionnel outil qui permet de retrouver sa propre famille», a expliqué D. Todd Christofferson. Il a ajouté que les données contiennent des trésors d’informations historiques et généalogiques. «Le bureau a aidé à réunir des familles, ouvert des écoles pour apprendre à lire aux analphabètes, dirigé des hôpitaux, supervisé des contrats de travail, distribué de la nourriture et des vêtements et même officialisé des mariages. Parallèlement, le bureau a recueilli des informations manuscrites sur les Afro-américains», explique-t-il. «Ce sont des données personnelles, parfois difficiles à lire qui rappellent une période décisive de notre histoire, alors que nos ancêtres étaient aux prises avec leur propre humanité. Mais ces données reflètent aussi le triomphe, l’espoir et la ténacité. C’est l’expression de la volonté et de la détermination de cette génération».

Hollis Gentry, spécialiste en généalogie au Musée national d’histoire et de la culture afro-américaine a déclaré: «Ce sont les plus anciennes données sur des personnes qui ont été esclaves. Nous avons une trace de leur voix, de leurs désirs, de leurs objectifs, de leurs rêves et de leurs espoirs».

Une ouverture sur le passé

Thom Reed, le directeur du marketing de la LDS-sponsored FamilySearch International, la plus grande organisation mondiale de recherches généalogiques, a ajouté: «Ces données ouvriront une fenêtre qui n’a jamais été ouverte précédemment, révélant les vies d’esclaves libérés tout comme la pierre de Rosette a permis de décoder les langues anciennes». Il a ajouté que beaucoup d’Afro-américains, y compris lui-même, avaient jusqu’à maintenant abandonné les recherches, car c’était très difficile de trouver des données avant le recensement de 1870, la première liste d’anciens esclaves. Il compte sur le projet pour pouvoir trouver des informations sur les générations précédentes.

Hollis Gentry a utilisé les données pour retrouver plusieurs ancêtres, dont un avait participé à l’établissement d’un village dans le Kentucky qui porte son nom. «Cela m’a aidé à trouver de détails sur leur vie en tant qu’esclaves puis d’hommes libres. J’espère que ces données aideront toutes les familles qui recherchent des informations».

«Nous faisons partie de l’histoire. Ce projet va changer le regard des Afro-américains sur la généalogie», a précisé Sherri Camp, la vice-présidente de la Société de généalogie et d’histoire afro-américaine.

Un acte d’amour

Jannah Scott, directrice adjointe au bureau de la Maison-Blanche pour les relations entre communautés et confessions, a remercié l’Eglise mormone pour l’achat, la numérisation et maintenant le répertoriage des données – un acte d’affection venant peu après la tuerie de Charleston qui a fait plusieurs morts dans une Eglise de la communauté noire. «C’est un acte d’amour», a-t-elle ajouté.

Ce n’est pas la première fois que l’Eglise de Jésus-Christ des saints des Derniers Jours a permis de mettre en lumière de tels dossiers. En 2001, elle a répertorié et rendu disponible des enregistrements de la Freedmen’s bank, une organisation qui a aidé financièrement les anciens esclaves. Mais cette première action concernait seulement un dixième de la quantité de données incluses dans le projet actuel.

«L’Eglise est impliqué dans les questions de généalogie, car elle croit que les familles sont liées pour toujours et que de connaître les sacrifices réalisés par les ancêtres aide à vivre aujourd’hui», a précisé D. Todd Christofferson. Les mormons effectuent ainsi des cérémonies, comme des baptêmes, au nom des ancêtres avec la croyance que leurs ancêtres puissent les accepter ou les rejeter dans leur vie future.

Par le passé, l’Eglise mormone a été critiquée pour ne pas autoriser les noirs à devenir prêtres. Les dirigeants mormons ont levé cette interdiction en 1978, aidant ainsi la croissance rapide d’Eglises mormones en Afrique et au Brésil.