Les Américains ne sont pas encore prêts à élire un président musulman

Les Américains ne sont pas encore prêts à élire un président musulman

Une récente étude montre que 60% des Américains seraient favorable à l’élection d’un président musulman. Ce chiffre reste toutefois bien inférieur au taux d’électeurs qui soutiendrait un candidat Afro-américain, juif ou de sexe féminin.

Photo: © RNS/Gallup

(RNS-Protestinter)

Un récent sondage de l’entreprise américaine Gallup montre un revirement, au cours des 60 dernières années, dans la volonté des Américains de soutenir la candidature des femmes, des Afro-américains, des catholiques et des juifs dans la course à la présidence. Mais cette étude a aussi révélé que 60% des Américains seraient prêts à voter pour un président musulman.

Tout au long du mois de ramadan qui s’est terminé le 16 juillet dernier, les musulmans américains ont été au service de leurs communautés, en récoltant par exemple plus de 80'000 dollars pour des Eglises afro-américaines qui ont brûlé dans le sud ou en servant des repas à 1000 sans-abri sur Skid Row, à Los Angeles, des services inspirés par leur foi.

«Les 60% en faveur d’un président musulman peuvent être vus comme une preuve d’acceptation des musulmans et cela m’encourage à poursuivre ma carrière», a écrit Saud Anwar, le premier maire musulman de South Windsor dans le Connecticut. Selon lui, «les étiquettes religieuses sont moins stigmatisantes au niveau local, car les gens ont l’opportunité de mieux connaître les candidats et ainsi de voter sur la base de leurs capacités pour le poste. Lors des élections nationales, le label religieux peut devenir un facteur plus important», ajoute-t-il.

60%, un mauvais score?

Mais Amaney Jamal, un professeur de sciences politiques à l’Université de Princeton qui a réalisé d’importantes recherches sur l’engagement civique des musulmans et des Arabes aux Etats-Unis, a déclaré que le sondage montrait aussi les mauvais résultats des musulmans par rapport aux autres groupes religieux. «60% ne sont pas un mauvais résultat en soi, mais par rapport au vote qu’ont reçu les catholiques, les noirs, les juifs et les mormons, les musulmans se situent 20% à 30% en dessous, c’est troublant».

Les Américains n’ont pas encore accepté l’idée «qu’un musulman puisse être une personne fidèle aux Etats-Unis, qu’un musulman puisse être un bon président, un président dévoué», explique Amaney Jamal. «Il y a une forte islamophobie». La bonne nouvelle est que les jeunes sont plus enclins à voter pour un président musulman. 76% des 18 à 29 ans le feraient, contre 67% des 30 à 49 ans, selon le sondage. Ce nombre élevé de jeunes s’explique par le fait qu’ils ont eu davantage l’occasion d’être en contact avec des musulmans, à l’école ou au travail.

Salam Al-Marayati, le directeur du Conseil musulman des affaires publiques a dit qu’il avait été frappé de constater que les protestants étaient les plus défavorables à un président musulman (44%). «La fiction, selon laquelle, nous mènerions une guerre religieuse contre l’Occident a, à mon avis, un impact sur la façon dont nous perçoivent les communautés évangéliques», explique Salam Al-Marayati.

Les Américains respectent ceux qui ont la foi

Rashida Tlaib, née à Detroit et ancienne parlementaire d’un état démocrate, a été la première femme musulmane élue lors des législatures au Michigan. La principale chose qu’elle retient du sondage est que la majorité des Américains respecte les gens qui ont la foi. Le soutien aux personnes athées et socialistes est plus faible. Seulement 58% des Américains éliraient un président athée et 47% pour un président socialiste.

Une récente étude organisée par l’Institut de politique sociale et le Programme d’études islamiques Prince Alwaleed Bin Talal à l’Université Harvard a découvert que si davantage de musulmans américains travaillaient dans l’administration, ils étaient particulièrement bien positionnés pour améliorer la perception et la compréhension de l’Islam et des musulmans auprès du grand public.

Rashida Tlaib, qui continue d’être active pour le service public dans son état d’origine – travaillant comme directrice pour la campagne «Take on hate», qui lutte contre la haine et la stigmatisation – a dit «qu’il y n’avait certainement pas assez de musulmans qui se présentaient aux élections». «Certaines personnes vont aller dans l’armée ou être pompiers ou policiers, ou encore occuper d’autres fonctions. Mais c’est en tant qu’élu que vous présentez votre foi à un plus large panel de personnes».

Selon elle, les Américains musulmans «ne devraient jamais sous-estimer les relations sociales», expliquant que quelles que soient les craintes des électeurs envers les musulmans, en travaillant ensemble la crainte et la méfiance s’estompent.

Etre autant Américain que musulman

Tout comme Rashida Tlaib, Salam Al-Marayati explique que des personnes lui ont parfois demandé s’il était vraiment musulman. «Etre Américain ne signifie pas que nous sommes moins musulmans», précise-t-il. «En fait, c’est même le contraire: être un bon citoyen américain fait de moi un meilleur musulman. Et être un musulman dévoué fait de moi un meilleur citoyen».

En 2008, l’ancien secrétaire d’Etat Colin Powell a critiqué des membres de son parti qui avaient émis et autorisé des réponses désobligeantes à la question de savoir si le président Obama était un musulman. Les membres avaient répondu: «Non, il n’est pas musulman, il est chrétien et il a toujours été chrétien». «La seule réponse acceptable aurait dû être: «qu’est-ce que cela peut faire s’il est musulman, y a-t-il un problème à être musulman dans notre pays?», explique Colin Powell.

Aujourd’hui, les élus musulmans les plus médiatisés sont André Carson, membre du parti démocrate et Keith Ellison également élu au Congrès et membre du parti démocrate. Mais pourrait-il y avoir un président musulman ces 50 prochaines années? «Pourquoi pas», répond Rashida Tlaib, remarquant que le président actuel est noir. «Si quelqu’un m’avait dit cela, il y a dix ans, je n’y aurais pas cru».

Selon Salam Al-Marayati, le plus important est d’avoir un président qui montre un engagement pour la pluralité et qui considère les musulmans égaux aux autres citoyens. Je pense que si nous parvenons à cela, ce sera une grande avancée pour les Etats-Unis. Cela rendra le pays plus fort et rendra la communauté musulmane américaine plus sure».