Guerre en Syrie et en Irak: «Les chrétiens ne souffrent pas davantage que les autres»

Guerre en Syrie et en Irak: «Les chrétiens ne souffrent pas davantage que les autres»

Hadi Ghantous est pasteur de la paroisse presbytérienne de Miniara au nord du Liban, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Titulaire d’un doctorat en théologie de l’Université de Berne et professeur à Beyrouth, il était de passage mi-juin à la Fédération des Eglises protestantes de Suisse pour présenter la situation des Eglises du Moyen-Orient aux œuvres d’entraide protestantes et évangéliques. Il a accepté de répondre à quelques questions.

Photo: ©DM-échange et mission.

Propos recueillis par Marina Kaempf

Hadi Ghantous, quelle est la situation actuelle au Nord du Liban, voyez-vous des conséquences de la guerre en Syrie?

Dans notre région se trouvent actuellement plus de 300’000 réfugiés. Notre paroisse engage tous ses moyens pour leur venir en aide. Je suis heureux de pouvoir annoncer que, grâce notamment au soutien de l’Action chrétienne en Orient et d’autres œuvres, nous allons pouvoir ouvrir un dispensaire.

Les réfugiés dont vous vous occupez sont-ils en majorité chrétiens?

Les réfugiés dans notre région sont à 95% musulmans. Nous aidons en priorité ceux qui ont besoin d’aide. Ce qu’il faut comprendre est que ce conflit n’est pas essentiellement une guerre menée par des musulmans contre les chrétiens, mais qu’il s’agit avant tout de luttes de pouvoir et d’influence entre différents courants musulmans. Les Islamistes d’IS s’en prennent à tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Les chrétiens ne souffrent pas davantage que les autres.

Pourtant les médias rapportent presque quotidiennement des témoignages de massacres systématiques de chrétiens. Des milliers d’entre eux ont pris la route de l’exil…

Une Eglise qui lutte uniquement pour sa survie est une Eglise qui ne fait que retarder sa mort.

Après le conflit, il y aura sans aucun doute moins de chrétiens au Moyen-Orient qu’auparavant. J’entends beaucoup ici en Europe ce désir de «sauver le christianisme en Irak et en Syrie». Chez nous aussi d’ailleurs, l’Eglise se concentre sur sa survie. Mais permettez-moi cette question: pourquoi devrait-il à tout prix y avoir des chrétiens en Irak et en Syrie? Survivre ne peut être un but en soi. Une Eglise qui lutte uniquement pour sa survie est une Eglise qui ne fait que retarder sa mort.

Quelle est pour vous la raison d’être de l’Eglise au Moyen-Orient?

Le Moyen-Orient a vu naître le christianisme. Mais l’Histoire à elle seule ne suffit pas à légitimer sa présence aujourd’hui. Pour cela, il faut qu’elle se concentre sur le rôle qu’elle joue et a joué. Les Eglises du Moyen-Orient ont quelque chose à apporter: au Moyen-Orient et au monde.

Par exemple?

De par sa position privilégiée au cœur des sociétés arabes, l’Eglise du Moyen-Orient est un pont entre l’orient et l’occident. La complexité des conflits actuels rendent ses compétences de médiation plus indispensables que jamais. En outre, au sein des sociétés dans lesquelles ils vivent, les chrétiens peuvent être un facteur de changement positif. Les chrétiens ne lisent pas la bible de la même manière que les musulmans lisent le coran. En ce sens, ils pourraient aider les musulmans à lire le coran autrement.

Vous voulez aider les musulmans à réformer l’Islam?

Une réforme de l’Islam prendra du temps, mais nous pouvons être la génération qui contribue à la faire éclore. Il ne s’agit pas de donner une leçon, mais de soutenir un mouvement qui existe déjà au sein des sociétés musulmanes; d’être un exemple. Se confronter à l’Autre permet de mieux se comprendre soi-même. C’est vrai au Moyen-Orient et c’est vrai aussi en Suisse.

Vous dites que l’aide d’urgence ne suffit pas, qu’il faut penser également à long terme. Que pouvons-nous faire d’autre?

Nous sommes très reconnaissants pour l’aide que nous recevons, mais l’aide humanitaire n’est qu’un premier pas. Qui se borne à aider des victimes, ne fait que créer de nouvelles victimes. Nous vous prions donc de continuer à intervenir auprès de vos autorités et auprès de l’ONU.

Agenda
Hadi Ghantous sera à nouveau en Suisse du 17 septembre au 2 octobre dans le cadre de la campagne DM-EPER La terre en partage