Abercrombie & Fitch épinglé pour discrimination à l’embauche

Abercrombie & Fitch épinglé pour discrimination à l’embauche

Les entreprises ne peuvent en aucun cas faire de discrimination à l’embauche pour des raisons religieuses. L’adaptation des postes de travail pour des raisons d’observance religieuse reste toutefois, pour l’instant, non exigible.

Photo: La marque new-yorkaise est connue pour engager du personnel au physique agréable. CC(by) Alan Light

, Washington, «USA Today»/RNS/Protestinter

La Cour suprême a statué lundi 1er juin dernier en défaveur de la marque de vêtements Abercrombie & Fitch. En 2008, l’entreprise avait refusé d’embaucher une jeune musulmane parce qu’elle portait un hijab noir, soit un foulard de tête. Cela pourrait faire jurisprudence pour les demandeurs d’emploi et les employés qui ont besoin de temps libre pour l’observance des pratiques religieuses, ainsi que pour ceux qui adhèrent à des codes vestimentaires stricts.

C’est le juge Antonin Scalia qui a rédigé la décision prise par le tribunal presque à l’unanimité, à 8 voix contre une, celle du juge Clarence Thomas. Antonin Scalia a estimé que même si Abercrombie & Fitch ne connaissait pas la religion de Samantha Elauf, c’est cela qui a motivé la décision de refuser de l’employer. «La règle relative à la différence de traitement basée un refus d’adaptation du poste à une pratique religieuse est simple», a écrit le juge, «un employeur ne peut pas faire de la pratique religieuse d’un candidat, confirmé ou non, un facteur déterminant dans les décisions d’embauche».

Plusieurs jugements en faveur de la liberté religieuse ont déjà été rendus

La décision confirme la pratique de la haute Cour d’assurer une protection juridique en matière de croyances et de coutumes religieuses. Au cours des dernières années, plusieurs mesures sont allées dans ce sens. Ainsi au nom de motifs religieux des employeurs ont été dispensés de l’obligation de couvrir les frais de certaines formes de contraception de leurs employées. La pratique de la prière en ouverture des séances des organes délibérants des collectivités locales a non seulement été respectée, mais autorisée. Enfin, un détenu musulman a été autorisé à garder sa barbe en prison.

Le code vestimentaire de la marque est mis en question

Cette histoire met en cause la politique de la marque Abercrombie & Fitch qui «caste» ses vendeurs et vendeuses pour leur apparence. Pendant les plaidoiries qui se sont déroulées en février, les juges tant libéraux que conservateurs ont refusé de croire la compagnie, qui a pourtant affirmé avec insistance que la candidature de Samantha Elauf, âgée de 17 ans à l’époque, avait été rejetée tout simplement à cause du foulard qu’elle portait sur la tête, et non en regard de sa foi. Clarence Thomas est le seul juge qui a défendu la compagnie, en argumentant que la «politique du look» de la compagnie est neutre. Elle ne tombe pas sous le coup d’une discrimination intentionnelle.

«La politique du look» d’Abercrombie & Fitch concerne directement le type de vêtements, le type de bijoux et le maquillage que ses vendeurs et revendeurs peuvent porter, y compris sur leur tête. Mais la compagnie accorde souvent des exceptions sur demande, y compris pour les foulards de tête.

Dans le cas de Samantha Elauf, les circonstances posent effectivement une question ciblée: le demandeur d’emploi doit-il lui-même faire la demande d’une adaptation pour pratique religieuse, ou l’employeur doit-il en reconnaître la nécessité pour lui? Au cours de l’entretien d’embauche de la jeune femme, la question de la religion n’a jamais été abordée.

Le gouvernement fédéral a statué qu’Abercrombie & Fitch s’est rendu coupable de discrimination «en refusant intentionnellement d’embaucher Samantha Elauf à cause de son hijab, après avoir inféré justement qu’elle portait le hijab pour des raisons religieuses.»

La fin des discriminations est-elle pour bientôt?

La décision du tribunal pourrait avoir des implications tant pour les possibilités d’emploi des minorités religieuses que pour les pratiques d’embauche des entreprises. Les femmes musulmanes qui se couvrent la tête sont celles qui rencontrent de plus gros problèmes.

Les entreprises, d’autre part, affirment que les obliger à répondre aux observances de toutes les minorités religieuses constituerait une «contrainte excessive». L’entreprise Abercrombie & Fitch, qui est soutenue par la Chambre de commerce et d’autres groupes d’affaires des États-Unis, a souligné que les employeurs ne devraient pas être forcés de se renseigner sur la religion d’un demandeur d’emploi. Ils risquent quand ils le font d’être soupçonnés de discrimination.

L’article VII de la Loi sur les droits civiques de 1964 interdit la discrimination en matière d’emploi fondée sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l’origine nationale. L’interdiction de la discrimination religieuse comprend l’autorisation de l’observance des pratiques, à moins que l’employeur ne puisse raisonnablement pas trouver d’adaptation pour leur faire place.

Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, la Commission pour l’égalité des opportunités d’emploi (EEOC), l’organisme fédéral chargé de faire appliquer les lois en matière de non-discrimination en matière d’emploi, et qui a poursuivi la marque au nom de Samantha Elauf, a vu une augmentation de 250% des cas discrimination religieuse impliquant des musulmans. En 2012, plus de 20% des 3 800 plaintes pour discrimination religieuse ont été déposées par les musulmans.

L’entreprise fait amende honorable

Il y a une dizaine d’années, la compagnie avait déjà dû faire face à des poursuites intentées par des étudiants noirs, hispaniques et Asiatiques américains, et avait dû régler un montant voisin 40 millions de dollars. Elle avait promis alors de diversifier ses pratiques d’embauche, de promotion et de marketing. Depuis lors, il semble que le taux de ses vendeurs soit passé de moins de 10% de personnes non blanches à plus de 50%.

A la suite de la décision de la Cour suprême, l’enseigne a diffusé un communiqué en annonçant «d’importantes améliorations en ce qui concerne la politique de nos magasins d’enseigne, y compris le remplacement de la “politique de look” par un nouveau code vestimentaire qui permettra à nos collaborateurs de s’habiller de manière plus personnelle, ainsi qu’une modification de nos pratiques d’embauche qui ne considérera pas l’attractivité; et un changement de l’appellation de nos magasins d’enseigne qui s’alignera sur leur nouvelle orientation clientèle».

«Cette affaire concerne des événements survenus en 2008», a conclu Abercrombie & Fitch. «Nous avons un engagement de longue date en matière de diversité et d’inclusion, et en conformité avec la loi, nous avons procédé sur demande à de nombreuses adaptations, y compris pour le port du hijab».