Relation entre Eglise et Etat à Berne: une question, trois points de vue

Relation entre Eglise et Etat à Berne: une question, trois points de vue

Le gouvernement bernois envisage une révision totale de la loi sur les Eglises et le transfert du personnel ecclésiastique de l’Etat aux Eglises nationales. Le directeur des affaires ecclésiastiques du canton, le président la société pastorale réformée et le président du conseil synodal des Eglises réformées de Berne-Jura-Soleure, donnent chacun leur point de vue sur ces changements.

Photo: de gauche à droite: Christoph Neuhaus, Michael Graf et Andreas Zeller, photos DR, montage ref.ch.
Propos recueillis par ref.ch – «Das Portal der Reformierten»/Protestinfo

Christoph Neuhaus

Conseiller d’Etat, directeur de la justice des affaires communales et des affaires ecclésiastiques du canton de Berne.

«Dans le canton de Berne, la relation entre Eglise et Etat est très étroite, comme chacun le sait. Par conséquent, je considère qu’il est judicieux d’évoluer à présent grâce à une révision totale de la loi sur l’Eglise.

Les critiques prétendent que le gouvernement cherche ainsi seulement à économiser de l’argent, et pensent que les Eglises nationales* s’en retrouveront affaiblies. Je ne le vois pas comme ça. Au contraire, si nous obtenons les changements nécessaires aujourd’hui, les Eglises seront en position de force pour participer à l’élaboration du processus futur.

Néanmoins, l’Eglise doit aussi constamment remettre en question ce qu’elle fait, et qu’à l’avenir peut-être elle ne fera plus. Je comprends très bien que les changements n’apportent pas seulement de la joie, mais aussi leur lot d’incertitude. C’est pourquoi en tant que directeur des affaires ecclésiastiques, je vais mettre tout en œuvre pour m’assurer que les Eglises ressentent à tout moment l’estime que leur porte l’Etat. Néanmoins, je vais introduire les changements qui sont requis par la Société. Car en fin de compte cela s’applique également aux Eglises: la seule constante est le changement.

Cela dit, le rapport détaillé sur les prestations des trois Eglises nationales l’a bien démontré: les Eglises ont une immense importance pour ​​la société.»

* Le canton de Berne reconnaît comme Eglise nationale l’Eglise réformée, membre de l’union synodale Berne-Jura-Soleure, l’Eglise catholique romaine et l’Eglise catholique chrétienne.

Michael Graf

Pasteur et président de la section Berne-Jura-Soleure de la société pastorale réformée suisse

«En tant que société pastorale, nous n’avons aucune objection à faire à une révision de la loi de l’Eglise. Nous pouvons aider à encore mieux organiser les relations entre l’Eglise et l’Etat. Nous avons également à cœur d’encourager le canton à développer une politique religieuse active et inclusive.

Mais le fond du rapport présenté par le gouvernement bernois révèle qu’il s’agit de changer une chose qui a fait ses preuves depuis des décennies: les conditions de service du personnel ecclésiastique, lesquels ont une base historique dans le canton en tant que représentants du gouvernement de Berne, et qui devraient être transférés aux Eglises nationales.

Et soyons honnêtes: la révision totale projetée par le gouvernement de Berne a pour but d’économiser de l’argent. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour un processus qui doit servir l’Etat, l’Eglise et la société.

En tant qu’association professionnelle, nous avons une responsabilité envers nos membres, et donc envers les 450 pasteurs du canton de Berne. Ils doivent continuer à exercer dans de bonnes conditions de travail afin de remplir leur mission avec toute la compétence et la joie possible.

Les résultats du rapport d’experts détaillé, demandé par le Conseil d’Etat, montrent incontestablement que nous, les Eglises nationales, nous rapportons à la société beaucoup plus que ce que nous coûtons à l’Etat. Aux vues de cet état de fait, les conclusions du gouvernement qui consistent à vouloir faire encore plus d’économies avec une révision totale de la loi sur les Eglises nationales sont encore plus incompréhensibles.»

Andreas Zeller

Président du conseil synodal des Eglises réformées de Berne-Jura-Soleure

«Entendre qu’il “est temps de développer davantage la relation entre Eglise et Etat dans le canton de Berne, et de transférer la gestion du personnel ecclésiale aux Eglises nationales”, ça sonne bien. Mais qu’est-ce que ça veut dire au juste? Dans quelle mesure les Eglises nationales s’en retrouveraient-elles plus fortes?

Si l’Eglise devient un jour l’employeur des pasteurs, elle s’efforcera du mieux qu’elle peut, d’être un bon employeur, moderne et juste. Cependant, cela nécessiterait une gestion appropriée en matière de ressources humaines, et pour cela, nous avons besoin de temps, et de moyens financiers. Il faut aussi des finances pour la rémunération des pasteurs: nous ne voudrions pas reprendre autour de 500 pasteurs pour environ 340 postes à temps plein, sans pouvoir les payer équitablement. Cela nécessite des garanties financières de la part du canton. Les économies continuelles et les réductions de postes successives des dernières années doivent prendre fin.

Malgré tout, j’ai appris que d’importantes demandes de l’Eglise avaient été prises en compte. Ainsi, la reconnaissance de droit public, la perception de l’impôt ecclésiastique, et la coresponsabilité financière de l’Etat.

C’est d’ailleurs de l’argent bien investi: car comme les études le montrent toujours, chaque franc d’impôt investi dans l’Eglise en rapporte deux à trois fois plus! Les Eglises nationales sont une plus-value pour toute la société, indépendamment du fait que les gens soient membres d’une Eglise ou pas.

Je suis très impatient de connaître les décisions que prendra notre synode fin mai, et celles que prendra le grand conseil en septembre. Enfin, j’espère surtout que malgré tous les problèmes structurels et financiers, il nous restera toujours suffisamment de temps et d’énergie pour accomplir notre tâche principale: la prédication actualisée de l’Evangile lors du culte, la diaconie et l’édification communautaire.»