Les anticapitalistes s’invitent à la cérémonie d’ouverture du nouveau siège de la BCE

Les anticapitalistes s’invitent à la cérémonie d’ouverture du nouveau siège de la BCE

Prenons le contrôle de la fête! Il n’y a rien à fêter en temps de crise», peut-on lire sur les affiches placardées partout dans Francfort-sur-le-Main
L’inauguration du nouveau siège de la Banque centrale européenne (BCE) prévue dans la ville mercredi 18 mars risque d’être animée.

Photo: CC(by-sa) Bobby Hidy

EPD/Protestinter

Sur toutes les armoires électriques et les colonnes d’affichage de Francfort, on peut voir depuis un certain temps déjà des affiches appelant à manifester contre la cérémonie d’inauguration du tout nouveau gratte-ciel qui sera le siège de la BCE.

Les militants du réseau Blockupy (voir encadré) font aussi la promotion de l’évènement sur internet, au moyen de clips vidéo. Ils invitent un large public à s’absenter de l’école ou du travail, afin de participer aux différentes manifestations.La magnificence du building choque les protestataires

D’après Roland Süß, porte-parole de Blockupy, les manifestations prévues ont pour but d’être un symbole de résistance contre la «soi-disant politique d’austérité» de la troïka formée par la BCE, la Commission européenne et le Fonds monétaire international.

La troïka en question désigne le groupe d’experts nommés au sein de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, qui ont été chargés de faire un audit de la situation économique grecque, et notamment de l’état de ses finances publiques, dans le cadre de l’accord de refinancement négocié en mai 2010, et pendant toute la durée de validité de celui-ci. Le mouvement protestataire dénonce le coût de la construction du nouveau siège de la BCE, qui s’élèverait à environ 1,3 milliard d’euros.

D’après Roland Süß, c’est maintenant le moment idéal pour agir: l’élection du nouveau gouvernement en Grèce a rendu la question brûlante d’actualité. La politique de crise de la troïka a suscité une forte critique publique, avec des manifestations dans de nombreux pays.

Des milliers de manifestants sont attendus pour un programme chargé

L’alliance Blockupy annonce pour demain des foules de manifestants venant de Grèce, d’Espagne, d’Italie, de France et de nombreux autres pays. En Allemagne, un train spécial a été mis en place pour véhiculer des centaines de militants depuis Berlin, Hanovre et Göttingen vers Francfort. On attend environ 10’000 participants.

En occupant le terrain, les manifestants voudraient bloquer complètement le nouveau siège de la BCE. Roland Süß a en effet prévenu: «la cérémonie d’ouverture n’aura pas lieu sans protestations». Les actions de désobéissance civique devraient commencer très tôt dans la matinée. Il est prévu que les participants forment un blocus pour faire obstacle à toute entrée dans le nouveau bâtiment. Il y aura de la musique et des spectacles de rue. Ensuite, un grand rassemblement est prévu à 14h sur la place du marché Römer. Et pour finir, à partir de 17h, une autre manifestation se déroulera devant la Deutsche Bank à Place de l’Opéra.

Droit à manifester d’un côté, sécurité de l’autre

La police a donc prévu la création d’une zone de sécurité tout autour du bâtiment de la BCE. Blockupy a déjà menacé d’aller au tribunal si les manifestations étaient rendues impossibles. «Fondamentalement, nous devons garantir le fonctionnement des services de la BCE», rétorque Michael Jenisch, porte-parole du service d’ordre. «Nous devons nous assurer que l’entrée reste libre, non seulement pour les employés, mais aussi pour les véhicules d’urgence et de la police». Cependant, il a précisé que si la manifestation se déroulait dans une «certaine proximité», elle resterait tout à fait possible.

Un jour de semaine comme les autres?

Du côté de la BCE, on voit arriver les manifestations de manière relativement détendue. «Ce n’est pas la première manifestation devant la BCE à Francfort», a déclaré Stefan Ruhkamp, porte-parole de la banque centrale européenne. «Néanmoins, affirme-t-il, nous prenons au sérieux la protestation, et nous nous préparons pour cela». Pour la cérémonie officielle d’inauguration du nouveau bâtiment, n’est prévue qu’une «relativement petite fête», réunissant environ 70 invités. Le maire de Francfort, Peter Feldmann (SPD) et le président de la BCE, Mario Draghi, prononceront chacun un discours. «Nous pensons que cette formule est appropriée étant donné la situation économique difficile en Europe», conclut Stefan Ruhkamp. Pour les salariés, il s’agit d’une journée de travail normale. Cependant, comme cela se fait déjà, ils peuvent profiter de l’occasion de cette journée pour travailler à domicile.

Mais le fait que la cérémonie d’ouverture se déroule sur une journée de travail complique quelque peu la mobilisation de Blockupy. «Bien sûr, cela fait une différence», reconnaît Roland Süß. Le porte-parole s’attend à ce que de nombreux étudiants, surtout des jeunes, participent à la manifestation, mais les participants attendus viennent d’horizons différents. «Il est clair que tout le monde veut prendre part au blocus», rapporte le porte-parole de Blockupy.

Pour permettre au plus grand nombre de personnes de participer malgré le fait que ce soit un jour de semaine, la protestation de masse est prévue dans l’après-midi. Les syndicats sont officiellement de la partie. Le syndicat DGB (confédération allemande des syndicats) Francfort a organisé une manifestation séparée, qui se déroulera à midi. «Il est important qu’un maximum de personnes circulent ce jour-là», a expliqué Harald Fiedler, président du DGB Francfort.

Le ministre de l’Intérieur du Land de Hesse, Peter Beuth (CDU), a fait une déclaration publique: «tous les manifestants pacifiques sont les bienvenus». Mais «les forces de sécurité prendront fortement position contre ceux qui abusent du droit de manifester, et contre ceux qui usent de violence envers les policiers», a-t-il averti.

Blockupy

Encadré: Blockupy se présente lui-même comme un réseau européen qui réunit divers militants issus de mouvements sociaux qui défendent les droits des migrants et des sans-emploi, de militants altermondialistes, de syndicalistes. Il a été créé en 2011, et bénéficie du soutien du groupe ATTAC et de certains partis de gauche. Blockupy a déjà organisé d’importantes manifestations contre la BCE à Francfort en 2012 et 2013. Elles avaient réuni entre 10’000 et 20’000 participants selon les différentes sources.