Quelle est la place des femmes dans l’Eglise catholique?

Quelle est la place des femmes dans l’Eglise catholique?

L’Espace Fusterie organise une conférence et un débat autour de la place des femmes dans l’Eglise, le jeudi 12 mars, à Genève. Alice Chablis et Maud Amandier, les deux auteures de l’ouvrage «Le Déni», une enquête tranchante sur l’égalité des sexes dans l’Eglise catholique, partageront leur point de vue avec le frère dominicain, Philippe Lefebvre, professeur d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg.

Par Laurence Villoz

«L’institution [catholique] apparaît comme un système bloqué. Cette impossibilité d’accompagner les progrès des sciences et du droit, d’intégrer les questions et les efforts du monde vient d’un pouvoir masculin qui s’origine en Dieu et qui, par conséquent, ne se remet pas lui-même en question», peut-on lire dans «Le Déni», publié en janvier 2014. Sous-titré «Ils sont au pouvoir, elles sont au service», cet ouvrage dénonce la position d’infériorité systématiquement attribuée à la femme dans l’Eglise. Les auteures Alice Chablis et Maud Amandier, qui écrivent sous pseudonyme, présenteront leur ouvrage à l’Espace Fusterie à Genève, jeudi 12 mars, à 20h. La présentation sera suivie d’un débat avec le frère dominicain Philippe Lefebvre, professeur d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg.

«Nous avons voulu enlever le voile sur des questions taboues que nous nous posions et auxquelles l’Eglise ne répond pas», explique la plasticienne de 64 ans, Alice Chablis, passionnée par l’étude de la Bible. Par exemple: Comment l’Eglise a-t-elle développé le concept de la virginité de Marie? Pourquoi les femmes n’ont-elles pas accès au clergé? Pourquoi imposer le célibat aux prêtres? Pourquoi s’accrocher à «une loi naturelle» qui a permis de soutenir «d’énormes injustices»?

Critique des papes

Se basant essentiellement sur les discours et les écrits des papes, de Grégoire XVI au pape François, en passant notamment par Jean-Paul II et surtout Benoît XVI, les auteures dénoncent «l’exclusivité du pouvoir masculin dans l’Eglise, la supériorité du masculin sur le féminin et l’infériorisation des femmes». Un exemple, parmi d’autres, concerne la figure de Marie, «un modèle impossible, car vierge et mère s’excluent l’une l’autre» mais qui «reste pourtant l’archétype de la dignité de la femme pour l’institution».

Et si Jean-Paul II «a consacré une cinquantaine de sujets d’audiences pontificales à Marie et toute une encyclique sur la dignité de la femme, il n’a rien écrit sur la dignité de l’homme ni autant de sujets d’audiences papales sur Joseph. […] S’il parle d’une «humanité féminine, il ne parle pas en parallèle, d’une «humanité masculine». Et alors qu’il affirme que le salut dépend du «mystère de la «femme»: vierge-mère-épouse. […] il fait peser sur les épaules des femmes une tâche un peu lourde, alors qu’il ne propose pas aux hommes le même triple rôle de puceau-père-époux.»

Une culture du secret

Les deux auteures dénoncent également la culture du secret et les mensonges, notamment liés à la pédophilie de certains prêtres. «L’effort des évêques a longtemps été de cacher les crimes de pédophilie, ce qui explique l’ampleur des scandales quand ils sont révélés. […] L’institution qui se veut gardienne des mœurs a systématiquement protégé ses clercs sur cette question».

«L’élément déclencheur qui m’a amenée à écrire ce livre a été l’affaire de Recife en 2009 qui concerne une enfant violée et enceinte dont la mère et le médecin qui a pratiqué une IVG ont été excommuniés», se rappelle la journaliste Maud Amandier. «Quand j’ai essayé d’aborder ce sujet, on m’a fait taire», ajoute celle qui avait besoin de comprendre pourquoi elle restait dans cette Eglise.

Des pseudonymes pour protéger leur famille

«Nous avons commencé à écrire ce livre fin 2012, à l’époque des grandes manifestations catholiques contre le mariage pour tous. Nous avons choisi des noms de plume pour ne pas surexposer notre famille», explique Maud Amandier. «On a peut-être eu tort, car l’Eglise a utilisé ce prétexte pour nous critiquer, pointant un manque de courage», ajoute Alice Chablis. Si l’ouvrage a reçu un «très bel» accueil de la société civile, ça n’a pas été le cas dans les médias catholiques. «Nous avons présenté l’ouvrage dans différentes paroisses, mais jamais nous n’avons pu débattre publiquement de notre ouvrage avec des clercs», relève Maud Amandier ravie que la rencontre à Genève comprenne un débat.