Tourisme biblique sur les traces du Jésus historique

Tourisme biblique sur les traces du Jésus historique

Pendant qu’Israël et la Jordanie revendiquent le site «authentique» du baptême de Jésus au bord du Jourdain, un site archéologique ouvre pour la première fois ses portes au public à Jérusalem. Le procès de Jésus aurait pu avoir lieu là, dans ce que les archéologues pensent avoir été le palais du roi Hérode.

Photo: Une douzaine d’Eglises ont été construites sur un terrain mis à disposition par la Jordanie sur le site revendiqué comme celui du baptême de Jésus. ©Dale Hanson Bourke/RNS

et Michele Chabin, Amman et Jérusalem, RNS-Protestinter

De nombreux chrétiens font un pèlerinage au Jourdain, le fleuve où Jean le Baptiste aurait baptisé Jésus. En particulier, le jour de l’Epiphanie, appelée aussi Théophanie, le 6 janvier qui, s’il évoque pour l’ensemble de la chrétienté la visite de rois mages auprès de l’Enfant Jésus, est aussi, pour les croyants issus des rites de tradition orthodoxe orientale, la célébration de la révélation de Jésus en tant que fils de Dieu au moment de son baptême, ainsi que le commencement de son ministère public. Et c’est là que commence la controverse.

Alors qu’Israël revendique depuis longtemps le fait que Jésus ait été baptisé du côté israélien de la rivière, un nombre croissant de chercheurs émettent l’hypothèse soutenue par une part de la recherche archéologique: le site du baptême serait plutôt du côté jordanien. Lors de sa visite en terre sainte au printemps dernier, le pape François a tenu à célébrer sa messe sur le site jordanien du baptême, ce qui a donné une sorte de crédibilité supplémentaire à ce site.

Dans l’un des quatre évangiles, le lieu du baptême de Jésus est appelé «Béthanie au-delà du Jourdain», et c’est sur ce seul indice textuel que les chercheurs se basent pour appuyer leur hypothèse de la rive jordanienne, ainsi que sur des fouilles archéologiques.

Le site jordanien du baptême est le lieu de fouilles archéologiques étroitement surveillées, et il est entouré de dizaines de nouvelles églises et maisons d’hôtes récemment construites. Le terrain, déminé en 1994 après le traité de paix avec Israël, est protégé avec soin par le gouvernement jordanien qui protège les trésors archéologiques qui y sont découverts régulièrement.

Un lieu de pèlerinage dès le troisième siècle de notre ère

Pour de nombreux chrétiens, le site où aurait eu lieu le baptême de Jésus est considéré comme le troisième des lieux saints de la chrétienté, le premier étant Bethléem, le lieu où la tradition a situé la naissance de Jésus (la recherche penche de plus en plus pour Nazareth), et le Saint Sépulcre, à Jérusalem, où il est supposé avoir été mis au tombeau.

Sur le site jordanien, l’une des excavations a mis à jour une église datant du troisième siècle, avec un baptistère en forme de croix, où l’on pense que des pèlerins venaient déjà se faire baptiser. Des centaines de petites croix sont gravées dans la pierre, comme autant de signes qu’ils auraient laissés. Une autre excavation a révélé une grotte, qui aurait pu avoir été habitée par Jean le Baptiste.

Un enjeu touristique

L’Eglise catholique romaine est en train de construire sur le terrain une église de près de 1000 m2, ainsi qu’un centre d’accueil pouvant recevoir la foule des touristes. L’année dernière pour l’Epiphanie, des milliers de pèlerins venus d’une dizaine de pays se sont rassemblés pour célébrer selon les rites orthodoxe, catholique et anglican dans différentes églises autour du site.

Cette année, le département du tourisme jordanien attendait plus de gens encore, sur le site, grâce notamment à la «plus-value» résultant de la bénédiction du pape. «La Jordanie: le berceau du christianisme», c’est maintenant le slogan utilisé par la Jordanie qui espère ainsi attirer plus de touristes dans le pays à majorité musulmane, qui dépend beaucoup du tourisme. En plus du site du baptême, les circuits bibliques incluent le mont Nebo, Madaba, Petra ainsi que d’autres sites mentionnés dans la Bible.

Depuis la rive jordanienne, les visiteurs voient très distinctement les pèlerins qui se font baptiser sur le site israélien, juste à quelques mètres, de l’autre côté du fleuve boueux. Les soldats israéliens et jordaniens, chacun de leur côté du fleuve, montent la garde pendant que les touristes chantent des cantiques et marchent dans l’eau.

Le principal site de baptême jordanien se trouve un peu plus en aval de la rivière, là où le fleuve s’élargit et procure un accès plus facile pour ceux qui veulent être immergés dans les eaux. Pour ceux qui préfèrent le baptême par aspersion ou par effusion, un ancien baptistère a été restauré.

Bien que les chrétiens soient en petite minorité dans le pays, ils pratiquent ouvertement et beaucoup occupent même des positions élevées dans les affaires et au sein du gouvernement. Le tourisme chrétien représente une importante source de revenus pour la Jordanie, qui donne asile à des réfugiés venant de Syrie, d’Irak et d’autres pays touchés par la guerre dans la région.

Les ruines du palais du roi Hérode enfin ouvertes au public

Le site où Jésus pourrait avoir été jugé avant sa crucifixion vient de s’ouvrir au public pour la toute première fois. Situé dans la vieille ville de Jérusalem, l’endroit se trouve à quelques pas du quartier chrétien et de l’Eglise du Saint Sépulcre, où la tradition situe le tombeau de Jésus.

Découvert sous le bâtiment d’une ancienne prison désaffectée, le site des fouilles fait partie de l’ensemble d’une vaste excavation qui a été entreprise par des archéologues en 1999, puis laissé en plan pendant 14 ans faute de moyens financiers. Les fouilles ont mis à jour les fondations de ce qui aurait pu être le palais du roi Hérode. C’est là, de nombreux chercheurs et archéologues le croient, que le gouverneur romain Ponce Pilate a conduit le procès de Jésus.

L’archéologue Amit Re’em de l’Autorité des antiquités d’Israël rappelle que le palais aurait été construit au premier siècle avant Jésus-Christ, selon Flavius Josèphe, un historien contemporain du premier siècle de notre ère, et citoyen romain. «Il était immense, avec beaucoup d’or et d’argent, et des quartiers pour les invités», raconte l’archéologue. Les ruines ont été découvertes dans le périmètre décrit par Flavius Josèphe, et mettent à jour un imposant système d’égouts.

Il n’y a aucune preuve tangible indiquant que le procès de Jésus se soit bien déroulé dans le palais, mais Amit Re’em rappelle que «depuis le premier christianisme jusqu’au temps des croisades, la Via Dolorosa (le chemin emprunté par le Christ jusqu’au lieu de son exécution) passait par le palais d’Hérode. Ce n’est qu’à l’époque médiévale que la route a changé».