La communauté musulmane est sous pression après l’attentat contre «Charlie Hebdo»

La communauté musulmane est sous pression après l’attentat contre «Charlie Hebdo»

Un horrible attentat contre le magazine satirique «Charlie Hebdo» a fait 12 morts mercredi 7 janvier
Les assaillants sont trois hommes qui, selon la police et les témoins, ont ouvert le feu dans les bureaux de la rédaction. Quels impacts cet événement aura-t-il sur la communauté musulmane de France?

, Angela Waters et Elizabeth Bryant, RNS/Protestinter

«D’une manière ou d’une autre, cet attentat sera exploité», estime Fateh Kimouche, 38 ans, fondateur d’Al Kanz, un blog musulman français en vue. «Les terroristes ne se sont pas préoccupés de l’appartenance religieuse de leurs victimes… J’ai lu que l’un des policiers tués s’appelait Ahmed. Même les musulmans ne sont pas en sécurité.» Les trois hommes armés qui ont attaqué le magazine durant une réunion de rédaction auraient crié «Allah akbar» (Dieu est le plus grand) et se seraient décrits comme appartenant à al-Qaida au Yémen. Ils ont tué des dessinateurs de renom, des membres du personnel et deux agents de police durant ce qui a été décrit par les autorités comme une attaque soigneusement préparée.

L’hebdomadaire satirique a attiré l’ire de musulmans en publiant plusieurs caricatures de Mahomet. Ses bureaux avaient été incendiés en 2011, après une parodie virulente contre le prophète de l’islam en 2011. Une année après, le périodique avait publié des caricatures de Mohamed nu dans des postures sexuelles. Alors que la plupart des musulmans s’opposent à toute représentation du prophète, même respectueuse.

Les réactions et condamnations ont été rapides

Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, a déclaré dans un communiqué que cet attentat était «une attaque contre la démocratie et contre la liberté de la presse.» Il a également appelé à ne pas jeter de l’huile sur le feu en faisant apparemment référence au sentiment anti-musulman grandissant en France et en Europe. L’Europe n’est pas épargnée par les attaques terroristes. Des attentats en Espagne et au Royaume-Uni ont tué et blessé des centaines de personnes il y a une décennie. Et les islamistes algériens ont également ciblé la France dans les années 1990.

La France a la communauté musulmane la plus importante de l’Union européenne, on l’estime à 5 à 10% de la population de 66 millions de personnes. Les musulmans français disent que leur communauté a été stigmatisée depuis des années. L’interdiction du voile intégral, appelé burqa ou niqab, adoptée en 2010 est présentée comme un exemple de plus des restrictions imposées à leur religion. «Je crois que les attaques d’aujourd’hui ne feront que croître le racisme contre les musulmans», a déclaré Abdallah Zerki, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, à Paris. «J’entends beaucoup de politiciens qui disent que c’est une “attaque terroriste islamiste” et pas seulement “une attaque terroriste”»

Benoît Gomis, analyste de la sécurité internationale et chercheur associé de la «Chatham House», un groupe de réflexion basé à Londres, estime que la France devra prendre soin des réactions qu’elle fera à cette attaque. «Il faudra être prudent lors des déclarations pour ne pas stigmatiser davantage la communauté musulmane», a-t-il déclaré. «Il faudra parler de la résilience du peuple français face à de telles attaques, et de créer une société qui intègre davantage tout le monde, car c’est la meilleure façon de combattre le terrorisme.» Pour Benoît Gomis, rien ne permet d’affirmer que les sentiments anti-islamiques n’aient contribué à cette attaque par des extrémistes ni à d’autres.

Sur la Place de la République mercredi soir, les gens se sont réunis pour montrer leur choc, leur colère, leur tristesse et leur solidarité avec ceux qui ont perdu la vie. Les gens ont reconnu que la hausse de l’islamophobie avait créé des tensions croissantes. «En général, il y a beaucoup de tensions en France, que ce soit l’islamophobie ou l’antisémitisme», estime Bernadette Hutson, 22 ans, gestionnaire de compte à l’agence publicitaire Ogilvy Paris. «Quant à l’islamophobie à Paris, elle a deux raisons. D’abord, c’est un problème d’immigration, ensuite il y a le fait qu’ici les gens pensent que l’on n’affiche pas ouvertement sa foi, et sur ce point il n’y a pas de pardon. Cela accroit encore plus les tensions.»