USA: Le mariage gay rencontre un obstacle majeur dans une Cour d’appel fédérale

USA: Le mariage gay rencontre un obstacle majeur dans une Cour d’appel fédérale

Le mouvement en faveur du mariage entre personnes de même sexe a perdu sa première cause majeure, après plusieurs victoires successives, en créant une scission entre les différentes Cours d’appel fédérales. Un recours à la Cour suprême américaine semble inévitable. 


Photo: Des manifestants demandent qu’un vote soit organisé au sujet du mariage gay aux USA (novembre 2006). CC(by-nc) Chris Walton

, Washington, RNS/Protestinter 


La décision 2-1, rendue le 6 novembre 2014, de la Cour d’appel des Etats-Unis pour le sixième circuit (Cour d’appel fédérale pour les états du Kentucky, Michigan, Ohio et Tennessee), basée à Cincinnati, a cassé le jugement du tribunal de première instance qui avait invalidé des interdictions de mariages gay dans le Michigan, l’Ohio, le Kentucky et le Tennessee. 


Plus important, elle donne aux juges de la Cour suprême un jugement d’appel qui va à l’encontre d’autres jugements des quatrième, septième, neuvième et dixième circuits. Ces décisions de justice invalident des interdictions de mariage entre personnes de même sexe en Virginie, Indiana, Wisconsin, Oklahoma, Utah, Idaho et Nevada, entraînant des mesures similaires dans des états voisins. 


Le juge de la cour d’appel du sixième circuit Jeffrey Sutton, l’un des penseurs juridiques et écrivains les plus estimés du parti républicain, a rendu avec le concours de sa collègue Deborah Cook, sa décision de 42 pages exactement trois mois après avoir entendu les arguments oraux dans les cas concernés. Il inflige une défaite, rare, aux partisans du mariage entre personnes du même sexe. Ces derniers avaient eu gain de cause dans presque tous les cas jugés de la Floride jusqu’en Alaska, depuis que la Cour suprême avait statué contre la loi fédérale de défense du mariage en juin 2013 (le troisième chapitre de cette loi rendait explicite la non-reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe au niveau fédéral, en définissant celui-ci comme l’union d’un homme et d’une femme). 


Jeffrey Sutton a fait valoir que les juges d’appel n’ont les mains liées par que par une seule phrase, qui vient d’un arrêt de la Cour suprême datant de 1972, qui «maintient le droit du peuple d’un état à définir le mariage comme il le voit». La décision prise l’année dernière par la Cour suprême, qui oblige le gouvernement fédéral à reconnaître comme légal le mariage des personnes de même sexe ne conteste pas cet arrêt précédent, quand il s’applique aux états dans lequel le mariage entre personnes de même sexe n’est pas légal, a-t-il déclaré. 


Le même raisonnement a été utilisé par un juge fédéral du district de Puerto Rico le mois dernier. «Quand les Cours ne laissent pas le peuple résoudre de nouvelles questions comme celle-ci, elles perpétuent l’idée que les héros dans ces changements de situation sont les juges et les avocats», a déclaré Jeffrey Sutton, «il vaut mieux dans ce chapitre, pensons-nous, permettre le changement au travers de processus politiques coutumiers, dans lesquels le peuple, homo et hétérosexuels de la même façon, deviennent les héros de leur propre histoire en se rencontrant les uns les autres non pas comme des adversaires dans un système judiciaire, mais comme des concitoyens cherchant à résoudre une nouvelle question sociale de manière équitable». 


Il a également soutenu que les états «avaient entrepris de définir le mariage, et restaient dans cette entreprise de définition du mariage, non pas pour réguler l’amour, mais pour réguler le sexe, plus spécialement les effets voulus et les effets involontaires des rapports homme-femme». 


La Cour suprême divisée 


Les six causes portées devant le comité qui comptait trois juges, impliquaient non seulement la question de savoir si les gays et les lesbiennes avaient le droit de se marier, mais si les mariages célébrés ailleurs devaient être reconnus, si les couples de même sexe devaient avoir le droit d’adopter des enfants, et si leurs noms pouvaient figurer sur les certificats de décès du partenaire. 


La juge Martha Graig Daughtey, une démocrate, a lancé une contestation cinglante de 22 pages. Elle conteste le raisonnement de Jeffrey Sutton disant que les juges ne devraient pas trancher la question. «Si nous, dans le pouvoir judiciaire n’avons pas l’autorité, et en fait la responsabilité, de corriger des injustices fondamentales qui se retrouvent justifiées par une majorité de l’électorat, tout notre système constitutionnel complexe d’équilibre des pouvoirs, ainsi que les serments que nous avons prêtés, se révèlent n’être rien d’autre que des impostures.», a déclaré Martha Graig Daughtey. 


Le rouleau compresseur du mariage homosexuel est stoppé 


Après avoir subi une série prolongée de défaites, les opposants du mariage de personnes de même sexe ont été ravis de la décision de la cour d’appel. «Cette décision nous donne l’assurance supplémentaire que cette question retournera finalement à la Cour suprême, ainsi que nous avons dit qu’il le fallait depuis longtemps», a déclaré Brian Brown, président de l’Organisation nationale pour le mariage (une organisation politique américaine qui lutte contre la légalisation du mariage homosexuel). «Nous pensons que la constitutionnalité des amendements des états à propos du mariage sera alors maintenue». 


Barion Babione, avocat-conseil à l’Alliance de la défense de la liberté (organisation chrétienne conservatrice américaine qui lutte aussi contre le mariage entre personnes du même sexe), a déclaré que cet arrêt de la cour montrait que «la Constitution ne demande pas qu’une seule vue irréversible du mariage soit imposée juridiquement à tout le monde». 


Les partisans du mariage homosexuel ont vu l’opinion de Jeffrey Sutton comme un appel à Anthony Kennedy, de la Cour de justice suprême, qui a rédigé les trois décrets majeurs qui ont fait avancer la cause des droits des personnes homosexuelles. Anthony Kennedy a défendu le droit des électeurs à approuver les amendements constitutionnels, mais il a annulé l’interdiction fédérale du mariage entre personnes du même sexe, en s’appuyant sur le fait qu’elle offensait les droits constitutionnels des gays et des lesbiennes. 


Les avocats qui travaillent sur des causes concernant le mariage homosexuel d’un océan à l’autre ne perdent pas de temps à se préparer à une épreuve de force avec la Cour suprême. «Nous allons déposer une demande de révision immédiate et nous espérons que grâce à cette décision profondément décevante, nous serons en mesure de faire adopter une règle d’égalité dans le pays tout entier», a déclaré Chase Stangio, avocat de l’Union américaine pour les libertés civiles.