Genève réfléchit à son rapport avec le religieux

Genève réfléchit à son rapport avec le religieux

Le Conseil d’Etat a mis en consultation le rapport du Groupe de travail sur la laïcité. Des experts ont planché sur l’application du principe de laïcité décrit dans la nouvelle Constitution genevoise.

Photo: La cathédrale Saint-Pierre (FAL) Zeke

Si aujourd’hui seules l’Eglise protestante de Genève et les Eglises catholiques romaines et catholiques chrétiennes peuvent bénéficier des services de l’Etat pour la levée de la contribution ecclésiastique volontaire, dans le futur la collecte de la «contribution religieuse volontaire» pourrait bénéficier à un grand nombre de communautés religieuses.

Dans son rapport, le groupe d’experts mandatés par le Conseil d’Etat pour réfléchir à l’application de la laïcité telle que définie dans la nouvelle Constitution genevoise, propose, en effet, la reconnaissance de l’Etat à toute communauté religieuse qui en ferait la demande, pour autant qu’elle soit à but cultuel, non lucratif, qu’elle entretienne des liens avec d’autres communautés religieuses, que l’on puisse y adhérer et en sortir sans restriction et qu’elle reconnaisse sans restriction les lois cantonales et fédérales.

Rapport mis en consultation

«Nous ne faisons pas encore notre ce rapport», souligne toutefois le Conseiller d’Etat, Pierre Maudet, chargé du département de la sécurité et de l’économie et par voie de conséquence, ministre des Cultes. Le texte des experts chargés d’étudier l’application de la nouvelle Constitution genevoise en matière de laïcité, et en particulier de l’alinéa qui dit: «Les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses», a été présenté mardi 11 novembre. Il est mis en consultation jusqu’au 16 janvier 2015. Les Eglises et associations ont jusqu’à cette date pour faire connaître leurs remarques. Les retours ainsi obtenus seront pris en compte pour la rédaction du rapport final du Conseil d’Etat. Présenté au Grand Conseil, il guidera les modifications nécessaires de la législation.

«Plus qu’un ensemble de normes juridiques et administratives, la laïcité est un état d’esprit», conclut le rapport du groupe de travail genevois sur la laïcité. Plutôt qu’une loi sur la laïcité, les experts proposent un certain nombre de modifications de la législation genevoise. «Le rapport que nous proposons à la laïcité n’est pas celui qui prévaut en France, précise Michel Grandjean, professeur d’histoire du christianisme et membre du groupe de travail. En France, la laïcité est un but à atteindre, à Genève nous pensons plutôt que c’est un instrument de paix.»

Des droits sur le papier, mais dans les faits?

La reconnaissance de multiples communautés religieuses aura aussi un impact sur les services d’aumôneries: toute communauté reconnue pourra disposer de présences dans les prisons, hôpitaux et autres lieux d’aumônerie du canton. Le rapport rappelle d’ailleurs clairement qu’il s’agit là d’un droit fondamental pour les personnes privées de leur liberté de mouvement. Mais l’Etat ne doit en aucun cas financer ces services, affirme le rapport.

Est-ce à dire que l’on se dirige vers un statu quo, puisque seules de grandes Eglises pourront financer de tels emplois? «Toutes les communautés en auront la possibilité», botte en touche Jean-Noël Cuénod, président du groupe de travail, avant de rappeler que l’Etat mettra par contre des salles à leur disposition. Pierre Maudet glisse toutefois que cette question pourrait être réglée par des conventions entre l’Etat et les communautés concernées. «Aujourd’hui, il en existe une pour les hôpitaux, mais pas encore pour les prisons.»

Pas de voile intégral, mais pas de loi

«Présenter un visage masqué sur la voie publique heurte les coutumes genevoises, portes atteinte aux liens sociaux les plus essentiels ainsi qu’au respect dû à son interlocuteur», affirme le rapport qui propose toutefois de ne pas légiférer pour le moment. «Le débat sur ces questions pouvant causer plus de dommages à la paix confessionnelle que les menaces que l’on prétend écarter en légiférant.» «On ne légifère pas sur des fantasmes», insiste Jean-Noël Cuénod. Il y a le réchauffement climatique, il y a Ebola et on fantasmes des hordes de burqas qui descendraient du Monte Ceneri», s’exclame-t-il raillant la récente interdiction tessinoise du port de la burqa.

Le rapport ne propose pas non plus d’éléments en ce qui concerne les écoles et les cimetières, pourtant deux domaines dans lesquels l’application de la laïcité pose des questions immédiates, car ces deux questions ont été exclues du mandat du groupe de travail par le Conseil d’Etat. «Nous avions débattu récemment sur ces deux questions, et il ne nous paraissait pas opportun d’y revenir si rapidement», justifie Pierre Maudet.

Le rapport propose également d’interdire tout port de signe religieux par des agents de l’Etat, d’autoriser les Eglises à se défaire de leurs temples historiques, d’inviter la Faculté de théologie à s’ouvrir à d’autres religions. Enfin, au nom de la liberté d’expression, le rapport propose d’autoriser les pratiques religieuses à l’extérieur et le prosélytisme, toutefois, ces activités ne devront pas être «invasives» ni ne contrevenir à l’ordre public. Pour Jean-Noël Cuénod, les lois en vigueur sont suffisantes, par exemple une procession religieuse ne pourrait pas être tenue à Genève: «Il y a la loi sur la circulation! Vous ne pouvez pas interrompre la circulation automobile!»

Cet article a été cité dans :

L'édition du 22 novembre 2014 du quotidien valaisan Le Nouvelliste.