Hybridité religieuse: le paradoxe revisité

Hybridité religieuse: le paradoxe revisité

Chaque semaine, Protestinfo laisse carte blanche à une personnalité réformée.

La théologienne neuchâteloise Muriel Schmid, directrice de programme pour les Equipes chrétiennes pour la paix à Chicago et ancienne professeure de sciences des religions à l’Université d’Utah partage son étonnement en découvrant que les jeunes Américains se reconnaissent dans des identités religieuses hybrides.

Photo: page Facebook «The Chaplaincy Institute»

Ayant grandi en Suisse dans un milieu ecclésial traditionnel et ayant ensuite étudié la théologie selon un cursus classique comme il se pratiquait encore au milieu des années 1980 dans nos facultés romandes, mon expérience américaine a souvent bousculé mes repères et mes préconceptions en matière de croyances et de pratiques religieuses; la découverte d’une diversité religieuse incroyable, 10 ans d’enseignement dans un programme de science des religions détaché de toute tradition, la rencontre de collègues et ami/es au parcours de foi inattendu et un environnement qui débat constamment la relation entre politique et religion sont autant d’éléments qui ont remis en question de nombreux aspects de mon identité protestante. Et ce parcours de réflexion n’est de loin pas terminé!

L’une des choses assimilées durant mes années suisses, c’était l’idée d’une foi protestante, réformée pure. Une identité claire qui se manifestait dans une liturgie, une théologie, un psautier, une structure ecclésiale, une lecture spécifique des textes bibliques… En bref, une compréhension unifiée de la foi qui ne laissait que peu de place aux variations!

Il y a quelques jours, un reportage sur la radio publique nationale (NPR) américaine m’a beaucoup intriguée. Ce reportage offrait une enquête sur le rôle des aumôniers de collèges et universités américains. Alors que de nombreuses aumôneries confessionnelles sont désertées, les aumôneries interreligieuses rencontrent aujourd’hui un succès grandissant auprès des jeunes générations. Mais ce succès n’est pas tant lié au besoin de comprendre et d’inclure dans un sain dialogue des traditions différentes; il est dû au fait que les générations montantes n’appartiennent plus à une seule tradition de foi bien définie, mais s’identifient de plus en plus à de multiples systèmes de croyances, créant ainsi des identités fluides. Ces identités hybrides fleurissent et ce nouveau type de croyants cherche un espace de reconnaissance ouvert à leur expérience spirituelle. Les aumôneries interreligieuses sur les campus américains sont donc en passe de transformation afin de répondre à cette nouvelle demande. En même temps, de nouvelles identités religieuses se dessinent: Jew-Bu, Hin-Jew, Zen-Christian… Ma première réaction: hérésie!

Cette nouvelle génération vient indubitablement déranger nos catégories. Elle témoigne d’une attitude religieuse hybride qui complique les identités traditionnelles et brouillent nos cartes. En tant que telle, cette hybridité proclame une identité à la fois double et unique, qui refuse les limites d’un ou bien ou bien clairement tracé comme nous en avons l’habitude. Hérésie, peut-être; jusqu’à un certain point cependant.

L’un des jeunes interviewés dans le reportage parle du «confort du paradoxe» comme d’une chose qui caractérise sa génération et se manifeste dans cette hybridité religieuse. Dans ce contexte, être confortable avec le paradoxe pourrait alors se traduire par une volonté de casser les antagonismes, d’ouvrir certaines de nos œillères et de renouveler nos espaces de dialogue afin d’adopter (non seulement tolérer) une vision plurielle de la vérité et de l’appartenance. Une telle perspective ne se limite donc pas à l’identité religieuse… Il n’y a plus ni Juif ni Grec!

Pour prolonger la réflexion