Etats-Unis: les Eglises se passent de chorales

Etats-Unis: les Eglises se passent de chorales

Trop chères et plus dans l’air du temps, les Eglises blanches américaines renoncent aux formations vocales, remplacées par des groupes avec guitares et synthétiseurs.

Photo: CC(by) Dom Archer

Par Cathy Lynn Grossman, RNS/Protestinter

James Merritt a été pasteur responsable d’une mega-church de la région d’Atlanta qui disposait d’une chorale réputée. Puis il a décidé de changer d’air. A 50 ans, il a quitté la First Baptist Church de Snellville (Géorgie) pour implanter une nouvelle Eglise à 20 km de là dans des locaux loué à un lycée et dont l’objectif était de toucher la jeune génération. Cette nouvelle Eglise n’a pas de chorale. Et en cela, James Merritt et sa nouvelle congrégation, Cross Pointe Church, sont à la page.

Selon la dernière publication de National Congregation Study, un groupe de recherche de l’Université Duke, les chorales d’Eglise sont sur la pente descendante parmi les Eglises protestantes à majorité blanche, pour l’ensemble du spectre théologique. Les chorales restent, par contre, fortes parmi les communautés afro-américaines où 90% des fidèles déclaraient, en 2012, qu’il y a une chorale lors du culte dominical. C’est aussi le cas pour 76% des catholiques.

Mais parmi les évangéliques conservateurs, 40% des fidèles ont déclaré qu’un chœur est présent lors du culte principal, alors qu’ils étaient 63% 14 ans plus tôt. Pour les protestants modérés ou libéraux, les chiffres suivent la même tendance baissière passant de 50% en 2012, pour 78% en 1998.

La vente de partitions pour les chorales a tellement diminué, qu’il y a quatre ans Abingdon Press, société d’édition de l’Eglise méthodiste unie, a cessé d’acquérir des droits musicaux de chorales, a expliqué Mary Catherine Dean responsable de publication.

James Merritt qui a aussi été président de la convention baptiste des états du Sud reconnaît qu’il ne court pas après les chorales. «Plusieurs éléments sont entrés en considération dans la décision de s’en passer à Cross Pointe», explique-t-il. «Pratiquement, si une chorale est mise sur pied, cela signifie que des gens doivent y consacrer au moins un soir par semaine durant deux heures. Puis, si cette formation atteint un bon niveau, elle voudra chanter à chaque service et organiser des chantées de Noël et des événements spéciaux», estime James Merritt. «Cela demande du personnel, un orchestre, une scène suffisamment grande. Cela coûte cher. Quand nous avons débuté en 2003, nous avons estimé qu’il serait raisonnable de ne pas investir là-dedans.

Philosophiquement, ajoute James Merritt, «nous avons regardé où la culture s’est déplacée. La nouvelle génération ne gravite plus autour des chorales». Aujourd’hui, Cross Pointe avec 2800 personnes lors de la célébration du week-end, est une Eglise «très moderne, menée par un groupe musical (guitare, basse, batterie, synthé et une chanteuse)», au service d’une congrégation sur deux campus, très multiethnique et multigénérationnelle.

Le raisonnement de James Merritt fait échos à ce qu’ont découvert les experts qui observent cette diminution, voire cette disparition, des chorales.

Les gens sont réticents à se produire Aujourd’hui, les gens pensent qu’ils ne sont pas assez bons pour chanter.

Marie Preus, cheffe de chœur à l’Eglise luthérienne «Our Saviour» à Minneapolis, accuse notre culture de la performance et de l’expertise. «Nous ne chantons plus comme nous le faisions autrefois. J’ai grandi dans une maison où l’on chantait. On chantait aussi à l’école et à l’Eglise tous les week-ends. Aujourd’hui, les gens pensent qu’ils ne sont pas assez bons pour chanter.»

Alan Perdum, responsable de ministère musical de la Howland Community Church près de Youngstown, dans l’Ohio, explique «Notre chorale survit parce que nous en faisons partie avec ma femme et quelques amis.» Le dimanche matin, 8 à 12 personnes et un soprano engagé pour l’occasion chantent pour environ 80 fidèles. Alors qu’il y a 40 ans, une chorale de 30 personnes chantait pour plusieurs centaines de fidèles sur les bancs.

La récession a porté un coup aux chorales

«La musique est un domaine où les responsables d’Eglises sont facilement tentés de procéder à des coupes quand l’argent vient à manquer dans les troncs», aussi douloureux que cela puisse être, explique Terre Johnson, président national de la musique de culte de l’Association américaine des directeurs de chorales. Il y a 13 ans, quand Joey Lott est devenu responsable de la musique de culte de l’Eglise Maples Memorial, membre de l’Eglise méthodiste unie à Olive Branch dans le Mississippi, il y avait 55 voix dans la chorale. «En 2008, quand la récession s’est fait sentir, j’ai perdu 15 membres de ma chorale en six mois. Ils avaient dû déménager pour des raisons professionnelles. Cela a été le début de la diminution. Désormais, je suis à environ 25 chanteurs.»

Pourtant les directeurs s’adaptent

Marie Preus a travaillé des décennies pour «raviver la joie de chanter» dans l’Eglise de «Our Savior». Pour ce faire, elle se montre imaginative dans ses choix de chants et de mise en scène. «Les membres de la chorale ne sont pas à un endroit spécial, ils ne portent pas des habits particuliers. Ils se lèvent simplement là où ils se trouvent dans l’assemblée et chantent.»

Et parce que la musique chorale traditionnelle peut-être difficile même pour les chanteurs talentueux, elle traque des musiques plus accessibles, souvent issues des répertoires africains ou d’Amérique latine.

La musique contemporaine pourrait bien ne pas avoir cette capacité à durer.

«N’enterrez pas les chorales», prévient Eileen Guenther, professeure de musique d’Eglise au séminaire théologique Wesley à Washington et ancienne présidente de la guilde des organistes. «Les Eglises ont du mal à trouver un style qui soit plus entrainant, mais si la musique chorale est appelée “traditionnelle”, c’est parce qu’elle est là depuis un certain temps. La musique contemporaine pourrait bien ne pas avoir cette capacité à durer.»

«Il se pourrait bien que ce qui est en train de disparaître soit la “chorale de spectacle”, remplacée par de chœurs qui entrainent toute l’assemblée dans la musique», estime Charles Billingsley, responsable de la louange de l’Eglise baptiste de Thomas Road à Lynchburg en Virginie et artiste en résidence à l’Université Liberty. «Nous sommes dans une période d’implantation d’Eglises, et beaucoup de ces “start-ups” sont encore petites. Mais je vois que même certaines de ces Eglises émergentes ont 20, 30 ou 40 personnes qui chantent. Thomas Road, qui a été fondée par le regretté Jerry Falwell, a une scène remplie de chanteurs. Mais la fonction principale de ce chœur», selon Charles Billingsley, «est d’être une armée de louange qui conduit le peuple de Dieu dans la présence de Dieu.»