Les Eglises afro-américaines se mobilisent pour soigner la dépression

Les Eglises afro-américaines se mobilisent pour soigner la dépression

De plus en plus d’églises afro-américaines, aux Etats-Unis, mettent en place des programmes pour sensibiliser leurs membres aux maladies psychiques. Cette démarche vise à éviter les suicides et renforcer les communautés.

Photo: Tamara Warren Chinyani, formatrice pour le programme «Premiers soins en santé mentale»

RNS/Protestinter

La mort du comédien Robin Williams a attiré l’attention sur la question du suicide et des problèmes psychologiques. Mais de nombreuses Eglises afro-américaines avaient déjà commencé à sensibiliser leurs membres sur ces problématiques bien avant la mort de l’acteur oscarisé.

«Bien souvent dans le passé, les Afro-américains ont considéré la dépression ainsi que d’autres maladies mentales comme un signe de faiblesse spirituelle», explique Tamara Warren Chinyani, une formatrice pour le programme «Premiers soins en santé mentale». «Nous sommes en train de changer les paradigmes autour de cette question».

Le Conseil national pour la santé comportementale (The National council for behavioral health) a introduit le programme aux Etats-Unis en 2008, dans le but d’apprendre au public à déceler les signes et les symptômes des maladies mentales. Cette année, le programme se focalise sur les églises afro-américaines.

Les Afro-Américains sont 20% de plus que les blancs non hispaniques à signaler des personnes souffrant de problèmes psychologiques graves, selon le Département de la santé et le Bureau de la santé des minorités. Et si plus d’adolescents blancs se suicident que leurs homologues noirs, plus d’adolescents afro-américains (8,3%) font des tentatives que les blancs (6,2%).

Face au suicide de certains membres

Certaines personnes qui s’efforcent de sensibiliser la population aux maladies mentales y ont été confrontées de près. Par exemple, l’évêque William Young et sa femme la pasteure Diane Young, ont fondé l’association pour la prévention du suicide dans les églises afro-américaines, il y a une dizaine d’années, après qu’un membre de leur congrégation à Memphis, se tue par arme à feu sous une grande croix sur les terrains de l’église. «Cinquante membres ont assisté à la première rencontre de notre association et environ 500 personnes ont participé à la collecte de 2013», se rappelle l’évêque.

«Nous avons longtemps gardé le silence face aux problèmes qui étaient sous nos yeux. Principalement, car nous n’avions pas les connaissances pour les résoudre», ajoute William Young. En plus de l’association, le couple a ouvert un «centre de fitness émotionnel» dans dix églises du Tennessee, dans l’espoir d’augmenter l’accès aux soins et de réduire la stigmatisation associée à la prise en charge thérapeutique. «Alors que les gens ne vont pas dans un centre de soin, ils viennent à l’Eglise», constate l’évêque, qui a assisté au mois de juillet au lancement d’une nouvelle initiative intitulée «Partenariat entre la santé mentale et la communauté des croyants». Diane Young, la directrice des centres, a déclaré que 722 personnes avaient été examinées en 2013 et que 300 d’entre elles avaient suivi les conseils proposés, impliquant parfois des hospitalisations.

850'000 dollars pour un programme de sensibilisation

Au Texas, la Fondation Hogg pour la santé mentale va commencer, au mois d’octobre, un programme de subvention à hauteur de 850'000 dollars. Cette nouvelle initiative aidera dix églises afro-américaines à sensibiliser ses fidèles sur les maladies mentales, pendant ces trois prochaines années.

Une collaboratrice pour ce nouveau programme, Vicky Coffee-Fletcher, a dit que la fondation avait reçu énormément de réponses à l’annonce de la subvention. «Un nombre croissant des responsables religieux afro-américains ne se contentent plus d’être à la traîne face aux problèmes de santé psychique», explique-t-elle. «Les pasteurs sont impatients de sensibiliser leurs membres aux maladies psychologiques, afin de renforcer et de soutenir l’ensemble de la communauté».

Selon des experts, beaucoup d’Afro-américains ont longtemps hésité à mettre en place des centres de soutien psychologique, car ils craignaient d’établir une discrimination et aussi à cause des souvenirs d’expériences tristement célèbres sur des hommes noirs dans les années 1950.

Mais le révérend Frankey Grayton de l’Eglise baptiste d’Edgewood, à Washington D. C., qui a accueilli plusieurs cours de formation avec Tamara Warren Chinyani, a dit qu’il était temps pour les fidèles et le clergé de reconnaître leur besoin d’en savoir plus et de se faire aider. «Nous n’avons pas été préparés», explique Frankey Grayton, qui a bénéficié de certaines informations grâce à un pasteur qui avait participé aux cours de formation. «Mais je ne pense pas qu’en tant que congrégation, nous pouvons ignorer cette problématique», ajoute le révérend Frankey Grayton.

Actuellement, sa congrégation est en train de développer un plan d’action qui propose un soutien aux personnes en deuil, divorcées ou sans-emploi. Ce projet permettra de déterminer s’il faut appeler le 911 ou chercher une aide professionnelle.

Former la majorité de la population

Avant de travailler avec les congrégations, Tamara Warren Chinyani a formé environ une centaine de membres du clergé et des laïcs, lors de deux rencontres en 2013, sponsorisées par la filiale du Maryland des Volontaires des Etats-Unis (Volunteers of America). La spécialiste, qui travaille dans une église du Michigan où un membre s’était suicidé, il y a une dizaine d’années, espère que de plus en plus de congrégations afro-américaines augmentent leurs actions pour sensibiliser le public aux maladies mentales. De même que de nombreuses congrégations ont également commencé à mettre en place tout un système de soins pour les personnes touchées par le VIH.

Alors que Tamara Warren Chinyani montre des vidéos de personnes qui se sont rétablies et qu’elle supervise des exercices de jeux de rôle pour favoriser l’ouverture d’esprit par rapport aux maladies mentales, elle espère que la formation va se développer tout comme celle pour la réanimation cardio-respiratoire (RCR) – actuellement indispensable pour obtenir un permis de conduire. «Nous voulons seulement que toutes les personnes qui sont certifiées en RCR deviennent compétentes et équipées des outils nécessaires pour aider une personne qui souffre de problèmes mentaux». (lv)