Les Eglises font leur travail de mémoire sur la question des enfants placés de force

Les Eglises font leur travail de mémoire sur la question des enfants placés de force

Une collecte nationale en faveur des enfants victimes de mauvais traitements dans l’«assistance» devrait avoir lieu début 2015. Une consultation des Eglises membres de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse a actuellement lieu dans ce but.

Image: En 2011, le film L'Enfance volée (Der Verdingbub) bouleverse la Suisse. Il raconte l’histoire de Max et Berteli arrachés à leur famille et placés chez des paysans où ils sont utilisés comme forces de travail. DR.

«Après avoir vu une émission Infrarouge sur la RTS, consacrée à la question des enfants placés de force, ma femme et moi avons été bouleversés», relate Jean Fisher, ancien missionnaire et prédicateur de l’Eglise protestante de Genève (EPG). «Cette histoire est restée inconnue dans tous les milieux et pendant des décennies!» Le couple décide alors de réagir. «Nous avons écrit à notre paroisse, à notre Eglise, l’Eglise protestante de Genève, et à la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS).»

L’inquiétude du Genevois est partagée par la FEPS qui mène déjà un travail sur la question des «mesures de coercitions à des fins d’assistance». La FEPS a participé, en avril 2013, à la commémoration organisée par le Département fédéral de justice et police en l’honneur des victimes de ces placements de force. Elle a également pris part à la table ronde qui a été créée à cette occasion.

Projet de collecte nationale

Début 2014, la FEPS a lancé une consultation auprès de ses membres avec le projet de mettre en place, début 2015, une collecte nationale pour les victimes de coercition à des fins d’assistance. «Les débats de la table ronde ont montré que bon nombre de victimes vivent actuellement dans des conditions financières précaires. En raison des mesures qui leur ont été imposées à l’époque, elles n’ont souvent pas eu la possibilité d’achever une formation, d’exercer un métier (…)»

«L’ampleur de la responsabilité de l’Eglise n’est pas connue, car le travail historique n’a pas encore été accompli», reconnaît Anne Durrer porte-parole de la FEPS. «Si nous nous plaçons dans la perspective du XIXe siècle (sans autorité d’assistance sociale et sans assurances sociales ou sans budget communal pour venir financièrement en aide par exemple aux mères seules ou aux familles nombreuses), les enfants dont la société estimait qu’ils ne pouvaient pas rester dans leurs familles ont été placés. Il est possible et même probable que le pasteur du village ait été souvent impliqué dans la recherche d’une place pour ces enfants, voire même qu’il ait organisé le placement, parce que le pasteur a toujours été un notable et que, par ailleurs, le pasteur bénéficiait d’un niveau d’éducation élevé et qu’il connaissait toutes les situations du fait de son activité pastorale», résume-t-elle.

Excuses des Eglises

Jean Fischer insiste sur la nécessité de présenter des excuses. «Il me semble que le rôle d’une Eglise est de protéger les plus faibles. Il n’est pas possible que les pasteurs, les paroisses n’aient pas été de ces placements forcés. Pourquoi ont-ils laissé faire? Présenter des excuses serait bien plus important que le fric.» Des excuses ont déjà été présentées rappelle Anne Durrer. Le 11 avril 2013, lors de la cérémonie en la mémoire des enfants placés et des victimes de décisions administratives Mgr Büchel, évêque de St-Gall et président de la Conférence des évêques a demandé, au nom des trois Eglises nationales, pardon aux victimes. Son texte qui reconnaissait que ces drames n’auraient pas dû se passer a été approuvé par la FEPS.

Des valeurs alors admises par la société entière

«La FEPS s’engage pour que vérité soit faite», conclut Anne Durrer. «Il est certain que des protestants et des représentants d’Eglise ont mal agi en fermant les yeux sur les mauvais traitements infligés à des enfants placés. La morale de l’époque trouvait par ailleurs normal que les enfants de «mauvaise famille» apprennent à travailler. Cette attitude et ce qu’elle a provoqué représentent une atteinte à la dignité des victimes, une atteinte délibérée ou tolérée. La société, dans son ensemble, a fermé les yeux, ou, pire approuvé certaines mesures». La porte-parole mentionne comme exemples l’éducation par le travail ou le fait qu’il était alors admis qu’une mère célibataire ne peut pas élever ses enfants et être un exemple de moralité pour eux.

Anne Durrer rappelle aussi, que certains pasteurs se sont insurgés très tôt: «le pasteur Albert Wild a dénoncé les abus et les mauvais traitements dans l’“assistance” aux enfants et aux jeunes dans un livre publié en 1907 déjà!».