L'Egypte mérite une Constitution laïque

L'Egypte mérite une Constitution laïque

Les manifestations se succèdent en Egypte. Et la tentative de leur interdiction influe sur les travaux touchant la Constitution. Celle-ci avait été suspendue en juillet dernier, lors de la chute du Président Mohamed Morsi.

Par Laurence Villoz

Michel Ezzat, documentaliste dans un lycée francophone du Caire et membre de l’Eglise évangélique francophone de la capitale, explique l’importance d’une Constitution laïque. Rencontre avec cet Egyptien d’une quarantaine d’années, qui est venu en Suisse fin novembre pour les 50 ans de DM-Echange et Mission.

Pourquoi une Constitution laïque est essentielle, selon vous?

L’Egypte risque de perdre sa culture et sa diversité si des ministres 'religieux' sont mis au pouvoir. Les Frères Musulmans et le président déchu, Mohamed Morsi, ont voulu un ministre de l’éducation et un ministre de la culture de la confrérie musulmane.

Mais la religion doit être appliquée dans les lieux de culte, pas en politique. Si on retombe dans ce piège, l’Egypte va passer encore des années à faire la révolution au lieu de s’occuper des problèmes fondamentaux comme la pauvreté, l’éducation et la culture. Des gens se sont battus et ont donné leur vie pour qu’on ne retombe jamais dans un système ou le pouvoir appartient aux islamistes ou aux militaires.

Quelle Constitution veulent les jeunes chrétiens et les jeunes musulmans?

Ce sont les jeunes qui ont fait la révolution et qui vont assurer l’avenir du pays. Ils se sont battus pour les droits civils et la liberté de croyance, pour une Constitution laïque.

Je trouve que les jeunes ont plus de liberté qu’auparavant. Certains sont même athées. A l’ère du numérique les nouvelles générations ont directement accès aux informations, notamment au niveau politique et de l’éducation.

Les nouvelles générations de chrétiens et de musulmans pourraient donc être moins conservatrices?

Une révolution, comme celle qu’on a vécue, provoque forcément un changement en chaque individu. Elle permet de réfléchir sur soi et d’unir les citoyens pour aller dans une nouvelle direction.

Je pense que le christianisme et l’islam peuvent évoluer vers des religions plus vécues concrètement que pratiquées de façon conservatrice. A mon avis, les Egyptiens, quelle que soient leurs religions, vont davantage collaborer pour améliorer l’économie, l’éducation et la culture.

Sur quelles passerelles peut-on compter entre le christianisme et l’islam?

Ce sont les «chefs religieux», comme le pape Theodorus, patriarche de l’Eglise copte orthodoxe ou l’imam d’Al Azhar, qui servent de liens entre les chrétiens et les musulmans. Tous les deux sont des personnes qui sont modérées et ouvertes. Mais au niveau de la population, de nombreux chrétiens et musulmans assurent aussi ce lien.

Par exemple, lorsque que des églises chrétiennes ont été brûlées, en juillet dernier, des amis musulmans se sont postés devant des églises pour protéger les chrétiens qui priaient. Face à ces événements, le pape Theodorus a adopté une position pacifiste. Il a refusé que des musulmans risquent leur vie pour protéger les églises chrétiennes. Il a affirmé que l’objectif principal des chrétiens d’Egypte, était l’union de tous les Egyptiens, même s’il fallait sacrifier des pierres pour permettre cette harmonie.

Vous avez une vision positive de l’avenir?

Tout est difficile mais tout est possible aussi. Jamais, nous avions imaginé mettre fin au régime de Moubarak qui a duré 30 ans. Et nous ne pensions pas non plus réussir à renverser le régime des Frères musulmans.

Qu’est-ce que vous attendez des chrétiens occidentaux face à cette situation?

De prier pour l’Egypte. Nous ne voulons pas une intervention des Européens en faveur des Egyptiens chrétiens. Nous souhaitons l’autonomie de l’Egypte.

Vidéo

Egypte: les jeunes veulent une Constitution laïque from Joël Burri on Vimeo.