Être protestant ou être réformé?
Par Olivier Bauer
Pour y répondre, je vais passer par six questions intermédiaires. Elles sont autant de branches qui me permettront (du moins je l’espère) d’atteindre la cime de l’arbre. J’emprunte cette forme à la rhétorique traditionnelle polynésienne.
Ultime question fondamentale: "Être protestant ou être réformé?"
Question 1: "Qu’est-ce qu’un-e protestant-e?"
• Sociologiquement, c’est celui ou celle qui se déclare chrétien-ne et qui n’est ni catholique-romain-e, ni orthodoxe.
• Historiquement, c’est celui ou celle qui se situe du côté de la Réforme du 16e siècle.
• Théologiquement, c’est celui ou celle qui affirme trois refus (selon le théologien français Laurent Gagnebin):
• Le refus de faire d’un homme, le pape, le représentant de Dieu sur terre.
• Le refus de faire d’une femme, Marie, une intermédiaire entre Dieu et les êtres humains.
• Le refus de faire d’une chose, l’hostie, le corps du Christ.
Question 2: "Qu’est-ce qu’un-e réformé-e?"
• C’est un-e protestant-e qui se réclame de la théologie du Suisse Huldrich Zwingli, des Français Guillaume Farel et Jean Calvin, de l’Écossais John Knox.
• C’est un-e protestant-e qui déclare appartenir à l’une ou l’autre des Églises réformées (indépendantes et souvent nationales) implantées sur les cinq continents.
• C’est un membre de la famille protestante:
• Il/elle a des frères et sœurs (presque jumeaux) chez les luthériens.
• Il/elle a des cousin-e-s (plus ou moins proches) dans d’autres Églises protestantes (adventistes, baptistes, évangéliques, méthodistes, etc.) et chez les anglicans.
• Il/elle a des parents qui ne veulent pas entretenir de relations avec lui: les Témoins de Jéhovah, les Mormons, etc.
Question 3: "La multiplication des Églises protestantes est-elle un problème?"
• Non, elle est un reflet de la diversité humaine.
• Non, tant que les protestant-e-s ne se battent pas pour imposer leur avis comme la seule et unique vérité (ce qu’ils ont fait parfois).
• Non, tant que les protestant-e-s admettent que leurs Églises sont et seront toujours imparfaites (Semper reformanda)
Question 4: "Y a-t-il un principe commun à tous les protestants?"
• Oui, il y en a même trois:
• Rien n’est sacré hormis Dieu (Soli Deo gloria).
• Personne ne mérite son salut, mais Dieu le donne gratuitement (Sola gratia) et l’être humain peut lui faire confiance (Sola fide).
• La Bible est le seul juge de la théologie (Sola Scriptura).
• En protestantisme, le mot-clef, c’est celui de "liberté" : liberté de croire librement parce que Dieu donne à chacune et à chacun son Saint-Esprit (Témoignage intérieur du Saint Esprit ou TISE).
Question 5: "De quelle liberté parlons-nous?"
• En bon protestant, je vais chercher la réponse dans la Bible.
• Selon l’Évangile de Jean (chapitre 8), Dieu libère du péché, c’est-à-dire de ce qui nous empêche d’être pleinement et véritablement humain. Dieu libère de l’obligation de "bien faire", de "réussir sa vie".
• Être chrétien-ne permet d’admettre que l’on est à la fois juste et pécheur (Simul justus simul peccator), c’est-à-dire, finalement, terriblement humain-e.
Question 6: "La liberté chrétienne n’est-elle que spirituelle?"
• Non, elle est aussi sociale et politique.
• Tout au long de la Bible, Dieu voit la misère, entend les cris; il guérit les malades; il libère les prisonniers; il ramène les exilés.
• Il encourage à réformer la société, à la rendre plus juste, plus humaine.
Je peux maintenant répondre à ma question à la fois ultime question fondamentale:
Ultime question fondamentale: "Être protestant ou être réformé?"
• Protester est toujours plus facile que réformer.
• Je suis moi-même souvent plus protestant que réformé (dans ce domaine aussi, je suis imparfait).
• Mais pour permettre la liberté que Dieu donne, je dois toujours rester un protestant-réformé.
• Protester est mon droit; réformer est mon devoir.