La Suisse, «éternelle forteresse» pour l'argent des potentats, selon des oeuvres d'entraide

La Suisse, «éternelle forteresse» pour l'argent des potentats, selon des oeuvres d'entraide

Lundi 17 septembre, le Conseil national a rejeté plusieurs propositions visant à entraver l'afflux d'avoirs illicites de potentats. Alliance Sud et la Déclaration de Berne (DB) s'en offusquent. Et parlent d'«attitude inconséquente et à courte vue».
(Photo©dp)

Plusieurs propositions concernant la loi sur le blanchiment d'argent (LBA) étaient sur la table des parlementaires en début de semaine. Elles visaient toutes à durcir les conditions dans lesquelles les dictateurs et les officiels corrompus peuvent déposer leur avoirs dans les banques suisses.

Parmi elle, une motion de la conseillère nationale socialiste Margret Kiener Nellen (BE). Elle demandait que les personnes étrangères politiquement exposées (PEP) prouvent l'origine légale des montants déposés dans les banques suisses. A l'instar d'autres, elle a été torpillée. « Cela aurait constitué une mesure clé, un pas dans la bonne direction », regrette Olivier Longchamp, de la Déclaration de Berne.

La Suisse officielle aime rappeler qu'elle dispose d'une des meilleures lois, à l'échelle mondiale, pour combattre le blanchiment d'argent et empêcher l'afflux de fonds illicites de potentats, affirment en choeur la DB et Alliance Sud, la commauté d'oeuvres d'entraide, dans un communiqué. Pourtant, depuis le printemps arabe, de nouveaux comptes helvétiques appartenant à des dictateurs déchus ou à leur entourage corrompu ne cessent d'être découverts.

Dispositif trop faible?

Or le rapport du bureau de communication en matière de blanchiment (MROS) de 2011 indique qu'aucune annonce concernant l'Egypte ou la Tunisie ne lui a été remise au cours de l'année 2010. Pour les oeuvres d'entraide et l'ONG, cela signifie que les avoirs suspects bloqués depuis auprès des intermédiaires financiers concernés n'ont pas été déclarés par les banques. Elles tirent la conclusion suivante: le dispositif destiné à empêcher l'afflux de tels fonds en Suisse n'a pas fonctionné.

« Il est difficile de dire si la loi sur le blanchiment d'argent n'est pas appliquée ou si les contrôles sont trop lâches », explique Olivier Longchamp. Toujours est-il que d'autres interventions parlementaires ont été balayées lundi; à l'instar de celle qui entendait faciliter la communication des banques aux autorités en cas de soupçons de blanchiment ou une autre qui aurait étendu les obligations de diligence des intermédiaires financiers.

A qui la faute ? « Le fait que ces interventions émanent toutes du Parti socialiste a joué un rôle central », estime le spécialiste de la DB. Selon lui, le parti de gauche est encore vu comme celui veut faire un procès à la finance. Du coup, des mesures efficaces visant à empêcher l'afflux en Suisse de fonds illicites de potentats continuent à faire défaut. Et on l'a dit, Alliance Sud et la Déclaration de Berne critiquent cette inconséquence, relevant d'une « vision à courte vue ».

Populations spoliées

Au final, les avoirs illicites ne font pas qu'écorner l'image de la place financière suisse; ils nuisent en premier lieu aux populations spoliées des pays d'origine, peut-on encore lire dans le communiqué. Il est question de montants très importants, soustraits au développement économique et social de ces pays.

Depuis 2011, ce ne sont pas moins de 693 millions de francs de fonds suspects originaires d'Egypte qui ont été bloqués sur des comptes suisses, soit vingt fois les 36 millions que la Suisse investis cette année dans ce pays au titre de l'aide au développement. La " Lex Duvallier ", entrée en vigueur en janvier 2011, ne règle que la restitution d'avoirs volés. Son usage a en outre été restreint aux Etats défaillants.

Olivier Longchamp en est convaincu, le sujet va revenir sur la table du parlement. Avec quelles chances de réussite pour ceux qui militent pour un durcissement des contrôles? « Les mentalités évoluent, mais lentement. » (comm./sr)

A lire bientôt
ProtestInfo publiera prochainement un article sur l'historique de la Déclaration de Berne.